Si mes défauts ne vous plaisent pas, j'en ai d'autres

C'est un peu précipité, ou déjà trop tard. Difficile à dire dans ce dédale d'émotions qu'il parcourt à la recherche d'une solution au vide de sa poitrine. Ce trou béant qui aspire tout l'amour qu'il reçoit et le recrache aussi sec. Que Mathéo le pardonne, que ses amis ne se vexent pas, rien ne suffit à lui redonner le sourire de manière permanente. Seito parvient peut-être à les leurrer en leur présence mais dès qu'il est seul, la peur revient gratter à sa porte et son sourire de façade disparaît. Mentir lui a demandé un effort surhumain car des questions, il en a eu.

Alors, c'était quoi ce courrier ? T'as un admirateur secret ? Un héritage ? ...T'as pleuré ? Je- J'ai reçu un mot gentil pour mon anniversaire, c'est con mais j'm'y attendais pas.
Tu rentres pas chez toi ce week-end ? Non, mes parents étaient occupés mais c'est pas grave, c'est bien ici aussi.

Pablo et Nolan n'avaient pas insisté. Ils se doutaient peut-être de quelque chose, Seito n'est pas un bon menteur, ne le sera jamais tant ça le débecte. Mais à l'aube de son anniversaire, il ne voyait pas l'intérêt de gâcher l'ambiance avec ses atermoiements. Dix-neuf ans d'existence pour ce gâchis. Ils pourraient les appeler, confronter ses parents à ce choix radical mais à quoi bon remuer le couteau dans la plaie ? Entendre leurs voix pourrait le briser davantage, il ne s'en sent pas le courage. Pour autant, son esprit ne décroche pas de cette trahison.

Au point qu'une idée saugrenue avait fait son chemin dans sa tête, les soirs où même la lecture ne parvenait pas à l'apaiser suffisamment pour qu'il s'endorme. Plutôt que de faire des recherches sur un PC de la bibliothèque et risquer d'attirer l'attention, Seito s'était résigné à parler à un adulte. Quatre jours s'étaient écoulés depuis son anniversaire quand, sur un coup de tête, il avait pris rendez-vous avec l'assistante sociale. Elle aurait sûrement plus à offrir que les réflexions étriquées de son cerveau essoufflé.

En cette fin d'après-midi, il n'assiste à aucun club. Le dos collé au mur, les bras croisés, il attend que la porte du bureau s'ouvre. Devant le fait accompli, le lycéen peine à rester calme. Il se doute que l'exercice est similaire à celui dans le bureau d'un psychologue. Pour qu'on l'aide, il va être obligé de lui raconter ses problèmes. Elle jouera le jeu pour ne pas le braquer, se rangera de son côté pour l'amener à en dire plus. Une fois n'est pas coutume, Seito accepte du moment qu'il obtient les réponses aux questions qui le hantent.

La pointe de sa chaussure glisse sur le sol. Il décroise les bras, range les mains dans ses poches. Quelqu'un passe dans le couloir, aussitôt il baisse la tête. Sa lèvre inférieure subit ses préoccupations. Il sort momentanément son portable de sa poche, 17h25, l'écran s'assombrit et disparaît. Encore cinq minutes, pourquoi est-il venu si tôt ? L'impatience sûrement, la nervosité inévitablement. Le lycéen relève les yeux, aller-retour dans le couloir, et revient les poser sur la porte toujours fermée.