Un bon dîner fait de bons amis | Makoto

Kobe, vendredi 02 novembre 2018

Vendredi, c’est frites ! Enfin, c’était frites dans ses rêves. Aujourd’hui, c’est plutôt vendredi-plat-pas-terrible-avec-des-haricots-à-l’eau. Et ça, ça casse le moral d’Irumi. Y’a pas à dire, la nourriture ça fait ou défait le moral. Et en plus, comble du comble, ni ses collègues de sport, ni Gareth, ni Yukio déjeune à la même heure qu’elle. Merci à l'élève super-curieux qui pose des questions pendant des heures et des heures après les cours… Toute seule, avec un plat fadasse.

Irumi fait le tour des tables, en espérant voir un visage connu. Mais rien. C’est qu’elle commence à se faire connaître de ses collègues. Pour le moment, elle a réussi à se lier d’amitié avec le professeur de management du sport (en même temps, ils ont quelques points communs), et celui de football.

Allez, Irumi, c’est l’occasion d’agrandir son cercle d’amis !

Depuis qu’elle est arrivée à Kobe, Irumi n’a pas vraiment cherché à faire de nouvelles rencontres. C’est qu’ici, elle a tout ce dont elle a besoin. Puis, Tokyo, ce n’est pas si loin. Parce qu’elle aime revoir son père régulièrement, elle en profite pour prendre des dîners et des verres avec ses vieilles connaissances. Irumi n’est jamais contre une excursion dans un bar, ou dans un bon restaurant, mais pour le moment, ça ne lui manque pas. Aussi, elle a vadrouillé partout en Asie depuis sept ans, alors, avoir un peu de temps pour elle, c’est pas mal non plus.

Excusez-moi ?

Irumi se penche vers un collègue qu’elle pense reconnaître. Elle l’a déjà croisé quelques fois dans les couloirs et en salle des professeurs. Elle ne connaît pas son nom, mais les têtes blondes, ça ne court pas les rues au Japon. Irumi se souvient bien de la chevelure de blés du professeur de musique.

Puis-je me joindre à vous pour déjeuner ?

C’est une question qui ne demande aucune réponse, parce que Irumi tire déjà la chaise en face de Makoto pour pouvoir s’y installer.

Quel gentleman ! C’est que ça manque, les hommes comme ça. Ceux qui parlent gentiment et poliment. Prends-en de la graine Ken (et une pique pour le petit-ami tokyoïte, une). Irumi souhaite bon appétit à son camarade, bien qu’il ait déjà commencé, et pique dans son plateau. Erf. Les haricots ne sont pas si mauvais, ça pourrait être bien pire. Puis, le riz blanc, ça passe tout le temps.

Hm ?

Elle redresse le regard de son plateau, et prend le temps d’avaler sa bouchée avant de répondre au blondinet.

Fin octobre ! Donc oui, tout tout tout tout récemment, ahah. En plus, c’est ma première fois à l’université, ça fait tout drôle de passer du banc des étudiants à celui des professeurs.

Irumi est du genre bavarde, à pouvoir combler tous les silences. Et parce que Makoto semble poli (aussi poli que tous les autres professeurs qu’elle semble croiser), Irumi a l’impression de devoir un peu combler le vide. Aussi, c’est parce qu’il lui tend cette perche. Elle ne dit jamais non à une bonne petite discussion.

Néanmoins, et parce qu’elle ne souhaite pas jouir d’une mauvaise réputation, elle se corrige tout de même :

Je donnais des cours dans une école privée avant d’avoir le poste, ici. C’était pas vraiment fixe, et j’avais parfois des adultes comme élèves.

Elle passe son premier métier, sa première expérience, et toutes ses années pour Sony Music Entertainment. Parce que c’est jamais un bon sujet de première conversation. Irumi le sait par expérience. En général, soit ça fait des jaloux, soit ça fait des curieux. Et la jeune professeur ne veut pas vraiment s'épancher sur les années qu’elle a décidé d’abandonner derrière elle.

Et vous, vous êtes prof depuis longtemps ?

Elle picore, picore, picore, dans son petit plateau. Elle prend chaque petit bout de nourriture comme si c’était le dernier. Parce qu’il faut bien tout manger pour être en forme, et reprendre ensuite les cours avec la forme ! Irumi fait attention à sa ligne, mais surtout à son régime. Pas seulement pour maîtriser son poids, mais aussi pour avoir de bonnes performances. Pour que son corps suivre tous les entraînements de danse, et toutes les chorégraphies à travailler, elle doit lui donner du bon carburant.

C’est la bouche pleine qu’elle répond :

Moui che crois bien que cha va.

Elle avale sa bouchée et pose une main sur ses lèvres, désolée. Bravo les manières, elle s’est entendue et sa phrase était complètement inaudible. Pour qui passe-t-elle ?

Pardon ! Je voulais dire, oui, je crois bien que l’intégration se passe bien. J’ai de la chance, j’avais quelques amis à Kobe avant de déménager, et les professeurs sont agréables. Puis c’est cosmopolite ici ! C’est agréable d’entendre tous ces accents.

De la part des étudiants, comme des professeurs. En réalité, ça lui rappelle les Etats-Unis. Elle a adoré ses quelques mois de remise à niveau, en début d’année. Elle apprécie ces grandes villes vivantes, et de trouver des spécialités du monde entier. Son Japon natal lui manquait, mais elle apprécie retrouver à Kobe un peu de cette diversité.

Wow ! Je suis toujours impressionnée par ces personnes dévouées dans leur boulot. J’espère que je resterai ici très longtemps. Un peu de stabilité ne ferait pas de mal.

Irumi le pense vraiment. Néanmoins, elle sait qu’elle pourrait avoir des difficultés à se lier d’amitié (ou davantage) avec une personne aussi dévouée et monotache. Elle aime changer de lieu, changer d’activité et de passion tous les mois. C’est ce côté multitâche qui rend la vie plus diverse. Elle aime que ses proches aient aussi ce goût du changement, ou du moins soient curieux.

Est-ce que les professeurs ont déserté la cantine ? C’est vrai qu’elle aurait davantage envie d’un petit bento ou d’un onigiri maison. Mais chez elle, y’a pas de chef soigneux. Elle n'a pas vraiment envie de prendre ce temps. Il y a bien le konbini, mais un bon repas chaud, ça remplit davantage le ventre qu’un sandwich. Dommage, Irumi a l’habitude de ces ambiances d’afterwork et de déjeuner d’équipe. Elle aime quand tout le monde parle de ses soucis, de ses clients. Les ragots, les petites histoires… Elle se contentera de celles de Makoto. Même s’il ne semble pas le plus enclin aux ragots.

Oui, j’ai un ami, professeur d’arts plastiques. On se connaît depuis longtemps, c’est lui qui m’a donné l’annonce quand elle est sortie.

Elle pourrait même dire deux, Yukio aussi est un ami d’enfance. Mais bon, Gareth est finalement la raison pour laquelle Irumi se retrouve dans cet établissement, il lui semble plus important de parler de lui que du brun.

Finalement, elle a de la chance de ne pas se trouver en terrain inconnu. Même si Irumi n’a pas vraiment de mal à s’intégrer. C’est quand même plus confortable d’avoir un ami à embêter en fin de journée, ou pendant la pause méridienne.

Elle continue de manger ses haricots, un peu plus silencieusement, et tape aussi dans les petits bouts de bœuf à côté.

Vous prêchez une convaincue, la musique c’était au centre de ma vie pendant...Oula.

Elle semble réfléchir, fouiller dans ses pensées. Est-ce que la musique l’accompagne depuis ses premiers cours de danse, ou depuis son début de stagiairisation à Sony Music Entertainment ?

Depuis que je suis môme en tous cas. Je l’ai longtemps étudiée. Chant, danse, tout ça, tout ça. J'aurais vraiment aimé être chanteuse, mais j’n’ai pas réussi.

Elle dit “chanteuse”, plutôt qu’”idole”, pour faire bon genre. Malheureusement, elle n’a jamais été une excellente chanteuse, comme celles qui donnent la chair de poule. Irumi chante juste, mais c’est tout.

A la mention du prénom de son meilleur ami, Irumi hoche simplement la tête. C’est bien lui. Elle n’avait pas osé dire son prénom, mais il n’y a pas quatre cent professeurs d’arts plastiques dans l’établissement. Puis, entre professeurs de matières artistiques, ils se sont certainement rencontrés plusieurs fois, et doivent avoir des élèves en commun.

Irumi est fière d’avoir cet ami, qui a pensé à elle lorsqu’elle en avait besoin. Elle n’est pas du genre à s’en vouloir ou à se penser pistonnée, tout le contraire. Elle s’est construit des amitiés solides tout le long de sa vie. C’est bien grâce à sa fidélité qu’elle a la chance maintenant d’être bien entourée. Son précédent poste aussi, elle l’a obtenu grâce à un proche. C’est le cas pour presque tout le monde, après tout.

Son seul regret, c’est de ne pas avoir eu de parents musiciens ! Ah ! Si seulement papa faisait de la musique, est-ce qu’il aurait pu la pistonner ? C’est là où l’effort n’a pas payé. Elle aurait certainement pu entrer dans un groupe si le PDG de Sony Entertainment était son oncle. Adolescente, elle était un peu jalouse des “filles de”. Maintenant, elle comprend qu’elles aussi ont le droit de rêver, et ont le droit de prendre toutes les chances qu’on leur offre.

J’ai longtemps appris, mais je ne sais pas si on peut dire que je suis une bonne chanteuse.

Cela dit, elle n’est pas non plus une femme timide. Alors, elle propose :

Si vous le souhaitez, et si vous avez le temps, après le déjeuner je peux vous montrer. En salle de musique, par exemple ? Vous m'accompagnez ? Vous jouez de quel instrument ?

Elle a quelques chansons à proposer. Elle a une bonne mémoire, Irumi, et a appris beaucoup de morceaux différents. Il doit bien y avoir dans leurs répertoires respectifs quelques points communs. Ou alors, elle trouvera.

Et puis, c’est une bonne manière de passer le temps.

Parce que pas. Irumi en est assez persuadée… Malheureusement, si elle n’a jamais pu commencer de carrière comme idole, c’est à cause de sa voix. La danse, elle le maîtrisait et le visuel… Le visuel peut toujours se modifier. Non pas qu’elle souhaitait faire de la chirurgie esthétique (tout le contraire), mais une coloration, des lentilles, un bon maquillage… Tout ça peut faire des merveilles.

En réalité, Irumi a réfléchi longtemps et longtemps à la raison pour laquelle Sony Music Entertainement a préféré la garder comme manager plutôt que comme artiste. C’est certainement l’un des plus grands échecs de sa vie. Le seul, peut être, qu’elle considère réellement comme tel.

J’espère quand même qu’après mes années à étudier, je suis encore juste !

Parce qu’en réalité, ça fait longtemps qu’elle n’a pas chanté, Irumi. Sauf dans sa douche, ou quand elle passe l’aspirateur. Sans professeur, elle ne sait pas bien si elle a conservé son petit niveau, ou si elle a tout perdu.

Après tout, c’est le bon moment pour le vérifier !

Va pour ça, je suis libre aussi !

Irumi termine son plateau, plus ou moins rapidement, et quand son collègue termine à son tour, ils sortent tous les deux de la cafétéria. Quelques étudiants les suivent du regard, c’est toujours drôle de voir les amitiés que peuvent nouer les professeurs ensemble.

Ils montent jusque la salle de musique et là, vient le moment de choisir le morceau. Le souci, c’est bien ça… Choisir le morceau. Elle réfléchit à son répertoire. Quelque chose qui permet de montrer sa puissance vocale, avec une amplitude restreinte. Ce n’est pas le moment de faire du trémolo.

The Lazy Song ? De Bruno Mars ? C’est possible de m’accompagner à la guitare, comme au piano, selon vos préférences. Ou alors, Billionaire… Mais je suis peut-être rouillée en rap.

Bruno Mars - The Lazy Song (Official Music Video)

Alors, va pour Lazy Song ! Irumi hoche la tête. Finalement, c’est le meilleur choix. Une chanson entraînante, simple, qui permet de montrer la qualité de sa voix sans trop forcer. Billionnaire, c’est son petit coup de cœur, parce qu’elle a longtemps essayé de s'entraîner au rap. La première fois qu’elle a récité toutes les paroles de Travie McCoy sans que sa langue fourche, elle a sabré le champomy (et oui, mineure, c’était trop tôt pour le champagne).

Makoto fait quelques accords, semble chercher la chanson, Irumi chauffe sa voix. Elle ne veut pas se blesser, ça fait trop longtemps qu’elle n’a pas joué de son instrument préféré. Elle détend les épaules, prend une grande respiration :

Oui, je crois bien.

De toute manière, nous ne sommes jamais prêts, c’est ce que Irumi s’est toujours dit. Alors, autant ne pas se poser de questions, et foncer. C’est grâce à cet état d’esprit qu’elle a ouvert toutes les portes fermées devant elles, depuis toute petite. Rien ne sert d’avoir peur, après tout ! C’est en forgeant qu’on devient forgeron.

Elle fait signe de la tête pour que Makoto commence les premières notes, et qu’elle puisse s’accorder à la guitare, avant de commencer.

Today, I don’t feel like doing, anyyyyything.

Elle ne fait pas les chœurs, entre les phrases, elle est déjà concentrée à chanter correctement.

I just wanna lay in my bed.

C’est drôle, lorsqu’elle a appris la chanson, adolescente, elle ne comprenait pas bien les paroles. Maintenant, après avoir vécu aux Etats-Unis, elle a conscience de ce qu’elle chante.

Don’t feel like picking up my phone ! So leave a message at the tone.

Même son accent s’est amélioré. Elle ne pourrait pas passer pour une native du grand continent, mais elle commence à être fière de ses performances dans la langue de Shakespeare.

'Cause today, I swear, I'm not doing anything, uh.

Elle termine ce couplet, puis le second, avant d’arriver au refrain. Elle a le sourire aux lèvres, parce qu’il lui semble presque que c’est facile. Elle avait un peu oublié ce que c’était de chanter, mais ça lui fait chaud au cœur. La musique, ça réveille tous les sens, même les plus enfouis. Alors, elle pousse un peu sur sa voix :

Oh-oh, yes, I said it, I said it ‘cause I can !

Et elle s’arrête à la fin du refrain, toujours tout sourire.

Alors ?

Irumi n’a même pas remarqué le petit groupe d'élèves qui s’est arrêté. Elle était dans sa tête, dans son monde. Quand elle les voit, ses joues rougissent un peu. Foutue porte ouverte, peut-être qu’ils auraient dû la fermer. Elle n’a pas honte de ce qu’elle sait faire, mais elle n'envisage pas se dévoiler si vite à ses étudiants. Heureusement qu’elle ne s’est pas loupée !

Reprenant un peu son souffle, elle se courbe vers les élèves et vers Makoto. La porte se remplit et ils se retrouvent de nouveau tous les deux.

Eh beh, j’pensais pas donner un concert moi.

Elle rigole légèrement, encore dans un petit nuage. Elle est en réalité assez contente de ne pas avoir tout perdu. Qui sait ? Peut être que si elle reprenait sérieusement des coachs vocaux, elle pourrait se produire sur des petites scènes et trouver un petit groupe ?

Est-ce qu’il est vraiment trop tard pour faire de la musique ?

Malheureusement, non ! Je n’ai jamais débuté.

Elle hausse les épaules, un peu désolée. Même si c’est le grand désespoir de sa vie, pas question de baisser les bras si rapidement.

J’étais stagiaire, à Sony Music Entertainement, pour devenir idole. Mais ça ne l’a pas fait !

Elle n’ose pas parler de son envie de faire un groupe d’adultes. Ce ne serait évidemment pas pour être une idole. C’est pas l’idée. Elle n’a plus vraiment envie de faire des petites poses mignonnes et des sessions de serrage de main.

Irumi n’est pas du genre secrète, alors elle lui répond sans passer par quatre chemins :

J’ai poursuivi ! J’étais manager d’un groupe de J-Pop pendant sept ans. Mais la danse, c’était mon premier amour, donc j’y suis revenue, tout simplement.

Avant d’être chanteuse, Irumi était danseuse. C’est par ce biais qu’elle est devenue stagiaire à Sony. Elle avait toujours pensé que c’était ses talents pour la danse qui la propulseraient sur la scène. Dans tout bon groupe, il faut quelqu’un de doué avec son corps ! Si c’est définitivement le cas pour les groupes coréens, qui se spécialisent dans des chorégraphies toujours plus poussées, ce n’est pas réellement le cas pour les groupes japonais. Les chorégraphies sont un peu plus simples à retenir, un peu moins techniques…

Peut-être qu’elle aurait dû tenter sa chance en Corée ? Il y a bien trois japonaises dans Twice.

J’ai dû me remettre à niveau après sept ans à courir d’un pays à l’autre, d’une ville à l’autre… Mais je suis vraiment contente de pouvoir reprendre la danse, vraiment. La musique, ce sera dans un second temps, une chose à la fois.

Elle hoche la tête. Bien sûr qu’elle ne compte pas tout abandonner. Après tout, c’est pas le personnage. Elle est certaine que tout arrivera au moment où ça doit arriver.

Irumi hausse un peu les sourcils. Elle ne pensait pas que Makoto parlerait si vite de son intimité. Elle a une voix qui ressemble à celle de son ancienne petite amie ? Elle fait une moue gênée. D’expérience, elle n’aime pas vraiment être comparée à des anciennes relations. C’est toujours de mauvaise augure. Soit les hommes font des projections, soit des fixettes. Irumi n’a pas envie d’être l’objet de l’un, ou de l’autre.

Oh, oh, d’accord...

Alors, elle devient un peu froide, un peu gênée. Comme pour se débarrasser de toute possible ambiguïté, elle continue avec la sempiternelle excuse :

Je chante parfois pour mon copain, aussi. Il est producteur de musique. Il fait partie de ceux qui pensent que j’aurai dû débuter, être une idole… Malheureusement à cette époque, il ne travaillait pas encore à Sony music. Mon seul succès dans la musique, c’est d’être dans les maquettes de mon mec… C’est un peu dommage !

Elle hausse les épaules. C’est bon, le coup du mec, c’est placé, et en plus en beauté. On pourrait même croire que ce n’est pas une excuse. Et pourtant, elle saute le passage de “je ne suis plus très amoureuse de lui” et de “il voudrait que je rentre à Tokyo et moi je refuse qu’il me rejoigne à Kobe”. En attendant, Makoto n’a pas besoin de le savoir.

Ah ! Oui ! En réalité maintenant je ne serai plus capable, ça demande un excellent cardio. J’avais toujours la mauvaise habitude d’haleter entre les refrains.

Irumi hoche la tête. Oh oui ! Peu de personnes sont capables de chanter et danser. En réalité, même certaines idoles ne le peuvent pas. Alors, soit elles chantent faux, soit elles font du playback. De toute manière, on ne leur demande pas toujours d’être artiste, plutôt d’être mignonne.

En réalité, avec du recul, c’est peut être ça qui lui a manqué. Être mignonne, savoir prendre des positions rigolotes, serrer les mains des producteurs véreux…

Mouais… En réalité si je l’avais rencontré quand j’étais encore adolescente, oui, ça aurait pu aider. Maintenant je suis trop vieille pour l’industrie des idoles. Passé 25 ans, t’es déjà bien trop âgée pour débuter. Bien des jeunes femmes mentent sur leur âge pour pouvoir passer les casting…

Elle n’a pas toujours trouvé ce fantasme pour la jeunesse bizarre, Irumi. Quand elle était jeune, elle le pensait même normal. Habituée de voir des gamines dans le divertissement, elle ne l’a remis en compte qu’adulte, en lisant des ouvrages féministes. Les femmes, passé trente ans, sont déjà mises de côté.

Il a beau dire, j’le sais bien qu’il ne pourra pas m’aider pour devenir musicienne.

Elle hausse les épaules, un peu désolée.

Ma seule chance maintenant, ce serait de trouver des collaborateurs pour un groupe de musique, jouer dans des cafés, des petits bars, et décoller sur youtube. À la limite, ça pourrait fonctionner pour un public un peu niche.

Certainement pas de quoi être invité à la TV.

Irumi aussi aimerait bien pouvoir être aussi optimiste. Elle n’est pourtant pas de caractère négatif, mais elle a bien du mal à envisager une réelle carrière musicale. Au Japon, et dans les pays alentour, ce qui se vend le mieux, c’est la pop, il n’y a pas à dire. Alors, oui, ça ne veut pas dire qu’une chanteuse à texte est vouée à être inconnue, mais faudrait se battre…Est-ce qu’elle a vraiment la force de le faire, seule, actuellement ? Probablement pas.

Oui, probablement… Et puis, j’ai plusieurs amies dans le métier, je pense que certaines accepteraient de republier mon contenu en story sur Instagram, mais…

Irumi a surtout peur de ne pas en avoir les épaules. Elle se doit de garder les pieds sur terre. Elle vit déjà actuellement un grand changement de vie. De manager, elle devient prof de danse, et maintenant à l'université, elle a encore beaucoup à apprendre. A ce rythme, elle va brûler.

Mais je ne pense juste pas que ce soit le bon moment pour cela ! Ce sera probablement pour un jour, quand j’aurai le temps, l’énergie et la motivation. Avec un groupe, un duo, une personne… Seule c’est un peu moins motivant, j’imagine.

Elle hoche la tête, sûre d’elle. C’est ça, le véritable problème, elle ne souhaite pas vivre toute cette aventure seule. Déjà, c’est ce qui lui plaisait dans la vie d’idole, pouvoir partager ce goût de la musique avec les autres filles.

Lorsque Makoto parle de la radio, elle redresse le regard, tout aussi intéressée que surprise :

La radio, vraiment ? Comment avez-vous réussi à être pris à la radio ? Vous êtes une petite star, en fait, et vous me le cachiez !