[TW -18] J’ai un ami qui…

Le voyage scolaire est passé à une vitesse folle ! C’était vraiment super, comme chaque voyage que j’ai pu faire depuis que je suis à Kobe. Ils savent comment nous les rendre inoubliables !

Ce qui va l’être aussi, c’est cette conversation avec Maka. Une intuition. Qu’elle demande à ce qu’on se voit pour discuter, jusque là rien d’anormal. Mais qu’un parc ne suffise pas et qu’il lui faille un endroit sans oreilles indiscrètes, ça titille ma curiosité. Je me souviens de notre dernière conversation sérieuse, dans la salle de danse. Est-ce que c’est sur le même sujet ? Il y a des chances. Je ne peux pas m’empêcher de m’inquiéter un minimum. J’espère que tout va bien.

Pour cette conversation spéciale, je n’ai pas trouvé d’autre solution que de réserver une salle privative dans un restaurant. C’est dans les moments où mon statut peut aider mes proches que je l’accepte le mieux. A la lecture des menus, je vois la tête de Maka changer. Ah oui, j’ai oublié de lui dire.

« Je t’invites, prends c’que tu veux. »

Je ne vais quand même pas la laisser y passer tout ce qu’elle peut avoir. Bon, on y est. Lance-toi donc, j’en peux plus d’attendre ! Son ami... Pas du tout avec un «e», d’accord Maka. Je retiens mon sourire. Qu’il gaffe, pas toi, bien entendu. Mais encore ? Oula, plus vieux ouais, d’expérience, ça dépend le domaine, de connaissances, en théorie... Je ris doucement quand elle ajoute que je suis super cool. Elle est trop mignonne ! Tu lui transmettra oui, j’entends bien, quelle bonne amie tu fais !

« Je t’écoute. J’ai pas réponse à tout mais j’vais essayer. »

Oh p*tain. Oh bordel. C’EST QUOI CETTE QUESTION ?! Si Tessa l’entendait ! D’ailleurs pourquoi elle ne l’a pas appelé tiens ? Surtout pour une question pareille ! Mon verre devant ma bouche, je cligne plusieurs fois des yeux. Je sens mes oreilles chauffer et changer de couleur. Donc la petite Maka a disparu, ça y est.

« Wow ahem... »

Alors... On va peut-être commencer par le début.

« Déjà... Je vais être honnête avec toi, je l’ai pas encore fait. J’connais le cliché du sportif super mignon qui a toutes les filles mais, crois-moi j’y suis loiiiin ! »

Je suis plus de ceux qui veulent le faire avec la personne qu’ils aiment, mais même là... C’est pas si simple, la peur de mal faire me paralyse... Et ma seule expérience sur ce plan avec une autre personne c’est un touche-pipi avec Stefan quand on avait 15 ans... Bizarrement, je n’avais eu aucune peur, sûrement parce que c’était aussi un mec et que c’était donc un terrain plus connu...

Tout ça pour dire, qu’à part des informations assez théoriques, je ne pourrais pas trop l’aider. Même si en réalité, j’aurais beau l’avoir fait, et donner les meilleurs conseils du monde, entre les retenir et les mettre en pratique, il y a un monde. C’est comme quand on révise tout un cours par cœur et que le jour de l’examen on a tout oublié à cause du stress.

« Hum... C’est super gênant, t’en as de bonnes sérieux ! Bon... T’as de la chance que j’ai une soeur qui même au prix de ma plus grande honte, m’a déjà fait la leçon, un peu... J’ai pas voulu suivre le chapitre 3... »

J’aurais peut-être dû... Purée, le pire jour de ma vie. Hana s’était plantée dans ma chambre, m’avait balancé que j’avais l’âge d’une éducation spéciale et ma tête avait dû ressembler à un piment habanero. J’avais 16 ans, justement.

« Il y a pas vraiment de mode d’emploi. Vu qu’on est tous différents, quelque chose peut plaire à l’un et être désagréable pour l’autre. »

Je vais boire une gorgée à chaque phrase, je le sens. C’est bien cet aspect mystère qui me freine.

« Ca va peut-être être super bâteau ce que je vais te dire désolé... Mais le plus important c’est d’être attentionné et à l’écoute. Essayer des trucs sans dépasser les limites de l’autre. »

Quand est-ce que tu mets tout ça en pratique Nolan ? Pas que j’en ai pas envie, c’est bien le problème. Plus le temps passe et plus partager ce moment avec Tsu me semble évident mais voilà, je suis nul... Ca se trouve elle n’est pas prête de toute façon, ouais j’essaie de me rassurer. Revenons-en à Maka. J’en reviens toujours pas.

« Si y’a une chose que ma soeur m’a rabâché, c’est de pas me concentrer sur mon p’tit plaisir. Pas hésiter à demander ce que l’autre aime bien... Et apparemment les premières fois sont pas ouf en fait. »

Mais entre pas ouf et catastrophiques, il y a un monde.

« Je sais pas si ça répond à ta question. »

Mon verre répond bien à ma soif et ma bouche sèche en tout cas. J'espère qu'elle ne va pas vouloir entrer dans plus de détails.

Je ne saurais pas dire qui est la personne la plus gênée de nous deux. Cette conversation est complètement lunaire. Et elle me fait me rendre compte que je n’ai jamais été porté sur la chose au même point que certains autres mecs de mon âge. Bien sûr ça m’a titillé, bien sûr j’ai mâté des trucs avec Malory, mais de là à m’imaginer faire des dingueries avec une fille en super pro du lit, nan, jamais.

Ca m’a toujours dérangé, ce genre de conversation. Pas que mes parents soient hyper fermés sur le sujet, mais avec leur travail chronophage, ils n’ont jamais abordé la sexualité avec moi. Ma sœur s’en est chargée mais j’ai vite écourté l’échange. Même me renseigner sur mon téléphone, tout seul dans ma chambre, suffisait à me faire changer de teinte. C’est peut-être un peu ridicule mais j’y peux rien.

Quand Maka reprend la parole, je souffle un peu. J’en profite pour boire deux gorgées. Plus ou moins, ouais j’ai bien conscience que ce n’est sûrement pas la réponse qu’elle voulait. C’est clair, les films rendent ça si simples, comme si c’était juste instinctif et automatique ! Inutile de préciser que je détourne toujours les yeux à ces scènes quand elles s’éternisent trop à mon goût.

Attends pause. C’est toujours un garçon et une fille... ? Maka vient de vendre la mèche sans s’en rendre compte. Bien sûr j’avais déjà la puce à l’oreille dès ses premiers mots mais je ne voulais pas la brusquer, là, ça ne peut pas être plus clair. Je ne la coupe pas pour autant. Oh nan, on y est. Je... J’en sais rien. Enfin si peut-être en théorie, mais purée je vais quand même pas lui faire un cours d’amphi, si ?! Quand Maka parle d’endroits, j’avale de travers et une crise de toux me prends.

« Pardon... Euh... Avant de répondre, sache que si, toi et ton ami, vous comptez... Vous partager des infos, c’est super ok ? »

Si elle voit ce que je veux dire. J’ai besoin qu’elle sache qu’aussi mortifié que je sois d’avoir cette conversation, je suis là pour elle. Même si mettre des mots sur les choses, c’est trop pour moi.

« Bon, j’crois qu’on va tous les deux décéder si on continue comme ça... Et si on cherchait juste des bons sites sur mon tél qui peuvent t’aider ? On les lit ensemble et on survit ! T’en penses quoi ? »

Après tout, c’est ce qu’on faisait avec Malory dans notre période curieuse, on tapait des trucs et puis advienne que pourra. Je glisse sur la banquette pour me retrouver assis à coté d’elle et sort mon téléphone. Allez, oublions cette gêne, j’essaie d’aider une amie et c’est le plus important. Hmm «faire plaisir à une femme» ? Trop large... J’efface. «Comment..» Nan c’est nul. J’efface encore. Ah je sais. «Points érogènes des femmes». Je scroll un peu, le second lien a l’air pas mal.



« Hem, ben en un paragraphe ça fait pas mal de points déjà, nan ? »

La suite de la page entre dans les détails sur comment stimuler lesdits points. J’aurais jamais cru penser ça un jour mais, me faut de l’alcool.

OUUUF ! Merci Maka !

« Ok on s’arrête là alors ! »

Je prononce ça beaucoup trop vite pour ne pas montrer qu’elle me sauve la vie, mais tant pis. Vaut mieux qu’avoir nos deux fantômes qui finissent par hanter les lieux. Je mets mon téléphone en veille et l’écran redevient noir. A ce moment, on nous apporte les plats commandés et j’avoue avoir l’estomac encore un peu trop noué pour manger tout de suite, contrairement à Maka.

Surtout qu’elle ne semble pas refroidie par ce qu’on vient de lire et revient à la charge. Si je n’avais pas compris qu’en réalité, elle demandait ces informations pour elle, j’aurais pu simplement penser qu’elle était une amie très dévouée. Enfin, je sais que Maka l’est, mais elle l’aurait démontré d’une belle façon. J’inspire doucement et essaie de réfléchir à sa question avec sérieux. Si Maka s’est tournée vers moi, c’est qu’elle a estimé que je serais le seul à qui elle pourrait oser demander, alors je n’ai pas envie de la décevoir même si je n’en connais pas autant qu’elle le pensait. Disons que j’ai juste eu plus de temps pour y penser, dans de rares moments.

« Hmm déjà, oublie les films. Ce sont des acteurs, et en vrai, c’est pas si simple pour eux non plus, pour avoir déjà écouté des interviews. Dans la vraie vie, tu sais, je pense que c’est une question de temps et d’habitude. Par exemple, si tu décides de te mettre à la course à pieds, les premières fois tu vas cracher tes poumons en à peine dix minutes, puis à force de courir, ton corps va gagner en endurance. C’est pas si différent, plus tu partages ces moments avec une personne, plus la gêne va disparaître. Quant à en quoi ils aiment ça ben... Euh... Parce que ça fait du bien... Physiquement et émotionnellement aussi, de partager ça... »

Je me gratte la nuque, sentant mes joues reprendre des couleurs. Pour le coup, mon peu d’expérience suffit pour l’affirmer. Je glisse un oeil à Maka, est-ce que j’ose lui poser la question ou pas ? Je vois bien qu’elle est perdue. Au point où on en est.

« Hem, Maka... Tu... T’as jamais rien fait... ? Toute seule j’veux dire ? »

Je cache mon embarras en picorant enfin mon plat, les yeux vissés sur mon assiette. J’ai moi-même du mal à croire que j’ai posé cette question.

Où est-ce que cette conversation va nous mener ? Et si à la fin elle ne veut plus me croiser par gêne ? Ca gâcherait tout, j’espère qu’on n’en arrivera pas là. Pour noyer ma propre gêne, je mange un peu plus de mon assiette même si mon appétit habituel est diminué de beaucoup. J’ai du mal à le croire moi-même, mais je me lance pour la question la plus gênante que j’ai pu poser à quelqu’un, à une fille surtout.

Maka recrache l’eau dans son verre. Le choc est réel ! Le mien aussi ! Comment ça est-ce que c’est possible ?? Un non j’aurais compris, mais là c’est un niveau d’innocence que je m’en veux de briser.

« Ben... Oui c’est possible et pitié ne me pose pas de questions là-dessus... »

J’y survivrai pas si on part là-dessus, même avec internet pour m’aider. Mes joues reprennent des couleurs et j’ai soudain soif. J’attrape un verre sans trop faire attention et le porte à ma bouche pendant que Maka s’agite pour tente de m’en empêcher. Je repose le verre après avoir bu et elle m’avoue que c’était le sien... Celui dans lequel elle a recraché... Blanc.

« Errk... Faut revoir tes réflexes chevalière, t’imagine si c’était du poison ?! »

Même si sur le coup je grimace, je ne suis pas au stade de vouloir vomir. La vie de sportif aide à s’habituer aux... Fluides des autres, quand on se fait à la sueur, on se fait à la salive. Emprunter la gourde d’un pote quand la mienne est vide, je le fais tout le temps, alors certes là c’est un cran au-dessus mais je survivrai.

« Tant que t’as pas un virus zombie ça devrait aller... Donc, je te disais, parce qu’un Rinbo ça se défile pas ! Ouais c’est possible, même si j’sais que c’est moins évident pour les filles, d’en parler j’veux dire. Mais euh... Ca t’aiderai p’têt à mieux comprendre... »

Finalement j’veux bien du virus zombie, au moins j’aurais plus de cerveau et je pourrai oublier cet échange.