Cantine, où es tu ?

6h53
En cette matinée pleine d'effervescence, Aiko fut tiré de son sommeil par une frénésie intérieure inarrêtable. Cette exaltation se manifesta par un sourire radieux ornant un visage florissant tandis que deux yeux s'ouvraient lentement à la lumière du jour naissant. Pour lui, aujourd'hui était un jour singulier, une journée qui marquerait le début d'un nouveau chapitre dans la vaste épopée de sa vie : sa rentrée au lycée. Bientôt, il siègerait fièrement parmi les rangs des érudits, les intellectuels passionnés de connaissances, dans ce qu'il imaginait vaguement être une sorte d'arène intellectuelle, la Kobe School. Oui, il attendait ce moment avec une impatience telle que se levant précipitamment pour ouvrir les lourds rideaux qui tenaient captives les premières lueurs du jour, il se cogna douloureusement le petit orteil contre la valise soigneusement préparée la veille, qui gisait au bord de son lit.

"Ouch, aïe...", s'exclama-t-il silencieusement, en sautillant sur un pied tout en se tenant l'autre, meurtri, de sa main droite. Décidément, même en ce jour merveilleux, la maladresse était son ombre fidèle...


7h52
Le vrombissement caverneux de la Lexus GS 300h résonna enfin dans le garage électrique des Kantou. A son bord, Aiko, vêtu avec soin, était fin prêt à affronter cette journée cruciale. Du moins, le pensait-il avant que Hanata, sa mère, ne s'installe côté passager et ne lui remette sa montre qu'il avait malencontreusement oubliée sur son bureau. Et ce fut après quelques remontrances, plus empreintes de sourires que de réprimandes, de la part de sa mère, que le patriarche enclencha la première vitesse, éloignant ainsi le véhicule gris du foyer familial.

À cet instant, alors que les paysages défilaient sur la vitre teintée du véhicule, l'adolescent ne pouvait que pleinement apprécier la chance qu'il avait d'être escorté par ses deux gardiens pour cette rentrée. Naoko n'était pas en service à l'hôpital, et Hanata, en tant que femme d'affaires prospère, avait ce privilège de décider de son emploi du temps. Deux situations qui, combinées à l'amour qu'ils portaient au jeune garçon, avaient déterminé leur tradition de l'accompagner chaque année depuis l'école primaire.

"Allez, ne tarde pas, champion, tu risques d'être en retard.", avait déclaré Naoko en guise d'adieu lorsque le quatre roues s'était garée sur le parking du bâtiment principal. Il avait alors accompagné ses mots d'un clin d'œil en direction de son fils, qui lui avait répondu, le pouce levé. "Évidemment, j'ai une promesse à tenir !"

Aiko était alors sorti de la voiture, avait récupéré sa valise des mains de sa mère, qui s'était attelée entretemps à la décharger du coffre. Et après les incontournables recommandations maternelles du type "n'oublie pas de nous appeler" et "brosse-toi les dents", avait pris son envol en direction du bâtiment principal, recevant au passage un bisou plein de bave sur la joue en guise d'au revoir.


11h30
La cloche sonna, mettant fin à une matinée riche en découvertes pour Aiko. Entre les présentations, la cérémonie de rentrée habituelle et la répartition des chambres pour l'année, son esprit débordait actuellement d'informations. Et puis bien sûr, fidèle à lui-même, il était resté quelques instants de plus après la sonnerie pour discuter avec le professeur référent au sujet du programme de l'année. Cependant, cela ne s'était pas éternisé, car la faim l'avait rapidement rattrapé et il avait alors pris congé, bien décidé à se lancer à l'assaut des multiples couloirs labyrinthiques de l'établissement, avec pour seul objectif en tête : trouver la cantine. Mais, fidèle à sa nature indécise et méthodique, il se retrouva après une dizaine de minutes devant la même porte, là où il avait laissé le professeur derrière lui, à pianoter sur son téléphone...

Tenue d'Aiko:

Il ignorait par quel caprice du destin il avait atterri sur TikTok, mais immergé dans l'environnement captivant de ce réseau social, son doigt s'adonnait inlassablement à parcourir les vidéos consacrées à l'astronomie. Les clips de trente secondes, arborant des titres de plus en plus percutants, parfois agrémentés de chiffres sensationnels, avaient l'art de retenir son attention au point que ses pupilles s'écarquillaient à chacun des visionnages. De tel, qu'un observateur extérieur aurait été saisi d'une curiosité piquée en contemplant cette scène peu commune, qui se déployait sous la forme d'un jeune individu campé devant son écran, les yeux prêts à sortir de leurs orbites...

Une voie, amicale, aidante, peut-être teinté de pitié. Il n'en sut rien que le voilà déjà à appuyer maladroitement sur le bouton off de son téléphone, et à lever ses deux noisettes vers sa propriétaire : une jeune dame à la stature gracieuse.

"Oh bonjour...", il s'inclina légèrement tout en ajustant ses lunettes, puis poursuivit, "Eh bien, je suis à la recherche de la cantine, mais ces couloirs me semblent tous identiques...".


Conscient qu'en tant que personne familière des lieux, il pouvait donner l'impression d'être un peu sot, il s'empressa d'ajouter d'un sourire gêné : "Mais ne vous inquiétez pas pour moi, je finirai bien par la trouver... ha ha."

Tenue d'Aiko:

Une seule phrase avait suffi pour qu'Aiko comprenne à qui il avait affaire. Nul professeur ou cadre directoire en cette personne comme il avait cru deviner, mais celle d’une psychologue répondant sous le nom de Madame Oribe. Et si serviable qu'elle fût, ses mots et sa douceur eurent don de toucher le petit brun, qui, bien moins gêné qu’il ne l'avait été il y a quelques secondes, s'en alla chasser ses pensées teintées de jugement d'autrui.

"Eh bien, si cela ne vous dérange vraiment pas…" afficha-t-il un sourire empli de reconnaissance, "je vous suis !"

Alors naturellement, le couloir s’était vu habité par le claquement de deux paires de souliers, l’une légèrement en retrait, accrochée à celle qui pratiquait la science des comportements. Et ce fut d’ailleurs à ce sujet, que le premier année, s’enquit, brisant alors le silence de par sa curiosité d’érudit.

"Puis je vous poser une question Oribe-sensei ?", il attendit confirmation avant de continuer, "est-ce que à tout hasard vous vous y connaissez en neuroscience ?"

On aurait alors juré voir dans les yeux du môme, la lueur de folie du scientifique dérangé...

Tenue d'Aiko:

Les magazines de sciences, auxquels ses yeux s'étaient habitués à lire hebdomadairement, n'étaient guère suffisants pour qu'il puisse se prétendre "connaisseur" de quoi que ce soit. Alors, les bras se croisant, définition corporelle même de son ignorance, il s'expliqua dans un léger rire.

"Oh non, pas du tout ! La science en général m'intéresse beaucoup, alors je suis curieux... c'est tout !",

Et si une légère déception de ne pas avoir eu de réponse à sa question lui titilla la lèvre, cette dernière saliva rapidement à l'entrée du réfectoire où de multiples arômes semblaient s'en échapper. Une file d'attente pour le moins conséquente s'étant déjà formée devant, il prit place bon dernier pour la première fois de son existence, la psychologue à ses côtés.

"Et bien... merci... Grâce à vous, je vais pouvoir manger ahaha", son regard s'attarda un instant sur les assiettes bien garnies des élèves déjà attablés avant qu'il ne s'enquiquine.

"Vous faites la queue aussi ?"

Tenue d'Aiko:

Drôle de situation dans laquelle se trouva Aiko lorsque la psychologue l'accompagna dans la file cantinière. Lui dont la perspective de manger seul s'était gravée dans son esprit au tintement de midi, le voici aux côtés d'une éminente demoiselle au rôle des plus dignes. Et si la peinture peu commune de celle d'un élève en compagnie d'un adulte titilla sa sensibilité aux regards des autres, il la chassa très vite en faisant glisser sa carte aux portiques métalliques. Là, ses mains se mirent en action, s'appropriant d'abord un plateau aux ornements argentés et des couverts finement ciselés, avant de se saisir d'une assiette de lasagnes dont la portion se voulait discrète. Il n'était point un convive de grande voracité, loin s'en fallait, et même si la matinée avait eu la bienveillance de faire naître en lui une légère appétence, il en avait une connaissance précise : les 140 modestes calories nichées dans cette assiette d'un blanc immaculé lui étaient amplement suffisantes.

Nonobstant un bref échange de regards empreint d'incertitude avec Mme Oribe, craignant secrètement qu'elle n'optât pour une compagnie solitaire pour le déjeuner, il se dirigea vers l'une des rares places encore disponibles, choisissant malgré lui de savourer son repas dans l'intimité relative de son propre espace

Tenue d'Aiko: