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Dandelion [OT]
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Dandelion [OT]

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Dim 6 Nov 2022 - 21:33
Dandelion

Présentation du personnage:


Premier flocon.
Là-haut à la surface du dôme, il tombe dans l’indifférence générale, silencieux et solitaire, aussitôt recouvert par l’extrémité des flots venant éclabousser la paroi de verre à l’instant où, un aule plus bas, tu réponds à ton nom qu’on appelle depuis le salon commun. Dandelion ! Le timbre d’Amaryllis — tzigane et velouté —, identifiée dès la première syllabe, d’instinct. Dandelion, au lit ! qu’elle répète tandis que tu termines de faire grincer la brassée de marches pour apparaître pieds nus au milieu de la pièce, déjà vêtu de ta chemise de nuit mal boutonnée sous ton col. Malgré la pénombre de ce crépuscule d’hiver, tu distingues au gré des vieux abat-jours à franges les onze silhouettes de tes mères réparties çà et là selon leurs préférences, et d’un unique regard saurais toutes les reconnaître, ainsi parfumées et apprêtées des chevilles aux bijoux de pacotille dont elles parent leur chevelure, prêtes à ouvrir les cordialités à l’attention des clients de la soirée. Il ne reste d’ailleurs que quelques minutes avant qu’elles n’enfilent le rôle qui convient à leur profession, le temps pour toi d’une par une les saluer selon votre rituel, de venir récolter flatteries et jolis songes du bout de leur lèvres, de l’horizon de leurs prunelles à l’éclat tamisé. Pour rien dans l’univers tu ne souhaiterais faillir à cette cérémonie du coucher. Personne ne t’y oblige, néanmoins. Parfois l’ordre change, ce qui n’est pas très grave puisqu’aucune n’exige de passer en priorité. Tu ne te donnes qu’une unique règle, tacite, et ton sérieux dans son exécution ne manque jamais de les émouvoir autant qu’il les amuse : s’il t’arrive d’en oublier une, tu recommences du début pour un tour complet.

Au creux de vos mains — un vœu : fais de beaux rêves, bourgeon, glisse Jasmin avec un baiser au sommet de ton crâne, tout en recueillant ton visage dans la mousseline de ses paumes, ces deux larges pétales où vient couler ton rire de gratitude. De ses boucles émane toujours l’odeur de pommes cuites qui avait envahi la cuisine un peu plus tôt dans l’après-midi, de cette fameuse tarte dont elle t’avait confié l’ingrédient secret à voix basse, juste à toi, son commis préféré, sauf qu’à lors tu étais trop occupé à remuer le caramel sans en lécher la spatule pour entendre autre chose que le gargouillis des bulles brunes, et quand tu avais enfin relevé la tête tu n’avais aperçu qu’un sourire mutin que son index conviait au silence. De fait, nul doute que ce secret-là demeurera bien gardé. N’oublie pas Monsieur Noir ; je lui ai recousu son œil, annonce Volubilis à ton approche en te tendant l’animal naguère éborgné. Tu ne comptes plus les fois où il a fallu réparer ce pauvre tamanoir, enfin, ce pingouin ! revendique Lilas, quoique, on dirait un matou écrasé avait raillé Primevère un jour, de toute façon personne ne s’est mis d’accord sur la véritable apparence de Monsieur Noir. Peu importe à tes yeux, au fond, tu l’adores parce que c’est un cadeau de Volubilis, parce qu’il sent comme le recoin chaud entre ses bras, comme la maison, il sent le vieux thé et la cire à bois de mauvaise qualité, le sable magique de l’apaisement et la couette réchauffée. Extatique, tu la remercies aussi fort que tu serres la peluche contre ton torse. Dors bien, petit lionceau, on se revoit demain, murmure Pivoine avec enthousiasme lorsque tu te présentes à elle. Même si tu l’as presque rattrapée en taille, elle continue de s’incliner légèrement devant toi — en souvenir du passé, peut-être, à l’époque où tu lui arrivais au jabot et qu’elle devait se pencher pour t’embrasser —, simple réflexe, car pour elle tu ne grandiras jamais vraiment. Bientôt, toutefois, tu sais que tu n’auras plus besoin de te hisser sur la pointe des pieds pour déposer en retour un baiser sur son front, là, sagement, en veillant à ne pas effacer la perle violette qu’elle y dessine dès le lever. Loin de toi l’impatience. , sourit Lavande à l’instant où elle faufile ses quatre phalanges dans tes cheveux, en guise de salut ; ha, c’est vrai qu’il faudra te couper cette crinière, ça ne va pas du tout tout ça ! traduit Lilas avec un soupir qui n’a pourtant rien de maussade, et imite sa voisine jusqu’à venir entrelacer leurs doigts sur ta calotte. La sensation ne sera plus aussi agréable une fois tes mèches écourtées, tu le sais, et cette pensée n’est pas pour te réjouir. Si tu caches les ciseaux, peut-être..? Mais ce coup-ci, avec une meilleure cachette que la dernière fois. Ne respire pas la fumée, attends !, bougonne Primevère en écartant la longue cigarette théinée qui la noie de mauve. Malgré cela tu t’approches indolent, tu te contrefiches de cette drogue dont tu ne comprends guère l’attrait. Tout ce que tu remarques, c’est que ce soir, elle porte ses chaussures en plus de sentir un peu trop l’orchidée — qu’elle a fait un effort pour masquer ses cernes sombres — alors, sans doute, elle recevra la visite de ce petit monsieur chauve qui se plaît encore à l’appeler Dame Primevère. ...si tu ne fumais pas devant lui, aussi, ah, allez, bonne nuit mon bonhomme, sermonne par ailleurs cette même Orchidée au fard trop prononcé. Quand elle se détache de ta joue, sa bouche fait un petit bruit collant, sucré comme une goutte de confiture, t’arrachant une grimace dénuée de dégoût. Tu te retiens néanmoins de frotter l’endroit avec ta manche — c’est son sceau à elle, son cachet de cire couleur prune, quoi de plus innocent ? Pffh, glousse Dahlia qui n’a rien raté de cette vision. En te tournant vers elle, tu saisis à la volée le clin de son œil bleu, l’autre gris te sourit et aussitôt te voilà complice de sa malice. Dépêche-toi, voyons, Dandy, tu vas encore nous mettre dans l’embarras..!, houspille Tournesol, les mains sur les hanches, la semelle en rythme tandis que tu trottines dans sa direction. Oh, pas si vite, tes boutons sont mal mis !, objecte Souci en se redressant de son fauteuil pour refaire ton habillement. Ce soir, c’est cependant la seconde qui obtiendra ton obéissance puisque tu patientes le temps que ses doigts serpentent près de ton col, rigide quoique serein, déjà happé en pensée par la dernière fleur de ce jardin. Le tour est complet, oui, tout est bon, il ne manque personne.

Vivre ensemble ici.
Il y a cinq ans, l’idée avait paru des plus déraisonnables. Elle avait pourtant germé derrière le front d’Amaryllis dès la seconde où elle t’avait incité à franchir le seuil de l’établissement. Une évidence. Pour elle, d’abord, car envers et contre toutes elle avait dû batailler pour te garder, te cacher dans sa propre chambre afin de ne pas attirer la suspicion de la matrone, puis te trouver toutes sortes d’utilités face aux plus réticentes de ses collègues — à cette date, tu doutes d’ailleurs que testeur cosmétique ait été la meilleure d’entre elles —, à obtenir leur empathie à défaut de leur approbation, et l’habitude se chargerait d’entériner les faits. Aujourd’hui, plus personne n’essaierait de les contester : tu appartiens à cet endroit. Il suffit d’observer comment Amaryllis te noie dans les méandres sauvages de ses cheveux noirs au moment de te dire au revoir, comment elle pose sur toi le plus attendri des regards, une évidence, mieux, un axiome, comment tu reflètes dans tes yeux la galaxie de ses prunelles. Bonne nuit, à demain petit cœur, caresse-t-elle sur ta tempe avant de te laisser délicatement filer vers les escaliers. Une fois parvenu sur la plus haute des marches, tu ne peux résister à l’envie de te retourner. Elles sont toutes là comme au premier jour du monde, sublimes et fatiguées, dignes et écorchées, un bouquet d’étoiles au firmament d’hiver, te rendant ton sourire ainsi qu’une promesse adressée au lendemain — celle de les retrouver pour une nouvelle journée. Une simple journée de plus, ce n’est pas grand-chose, crois-tu, le sort lui-même ne saurait s’y opposer. Une journée ordinaire avec elles. Tu y crois.
Tu y croyais tellement.


Premier flocon
Au creux de vos mains — un vœu :
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