[Hotel] C'est l'arnaque d'être l'aîné !

- "Nan ! Sûrement pas, avec c’que j’entends sur toi en ce moment je risque pas de rallonger ! Quand t'arrêteras de sécher peut-être que j'y réfléchirais. Tu veux vraiment t’faire virer la dernière année ?! T'es complètement con !

- "Vas y fait pas le radin ! C'est juste pour dépanner là, j'te rembourse si tu veux ! Puis t’façon j’m’en fous des cours, t’as pas d’leçons à me donner, t’es même plus à la maison j’fais c’que j’veux !"

- "Justement non ! J’suis plus à la maison alors il serait peut-être temps que tu grandisses un peu ! Commence par gérer un peu mieux c’qu’on t’file. Et va plutôt bosser tes cours au lieu de trainer dehors avec n’importe qui ! Hiro va encore être tout seul ce soir !"

...

Il m'a raccroché au nez.

- " Raah j'en peux plus d'ce môme !"

Je balance mon téléphone sur mon lit après plus de cinq minutes passer à m'engueuler avec Kyojiro, en signe d'exaspération bien visible (mais je n'ai pas non plus envie de le voir s'éclater au sol) avant de me prendre la tête entre les mains. Ce n'était déjà pas évident entre nous avant que je ne quitte Kyoto, mais depuis, ça ne fait qu'empirer de jour en jour. Je sais très bien qu'il emprunte un chemin dangereux mais je suis vraiment à court d'idées pour le faire revenir dans les rangs. Surtout qu'il reste Hironobu derrière, et même s'il ne dit jamais rien, je vois bien qu'il vit tout aussi mal la situation. Elles vont me paraitre horriblement longues ces années d'études s'ils continuent comme ça.

En attendant, j'ai un autre problème à régler. Je sais très bien quelle est la seule solution pour que j'arrive à faire redescendre la pression qui menace de me faire péter les plombs, mais encore une fois, la colloc ce n'est pas évident. Enfin, la colloc avec quelqu'un d'autre que mes frangins, parce que partager une chambre, j'ai eu le temps d'apprendre ce que c'était.

Je me tourne vers Soren, avec qui je partage cette chambre depuis le début du séjour. Il est plutôt calme comme mec, pas intrusif, japonais typique en bref, et ça me convient parfaitement ! Après le relou du bus et l'autre surexcité du zoo, je dois admettre que ça aurait pu être bien pire. Je ne peux pas dire qu'on ait vraiment fait connaissance non plus, mais ce n'est pas comme si j'étais venu ici pour me faire des potes.

- "Ça t'dérange si je fume à la fenêtre ? Je ferai gaffe pour la fumée et j'ai de quoi masquer les odeurs."

Parce que j'ai vraiment la flemme de descendre rejoindre le coin fumeurs. Et même si ce n'est pas forcément toujours évident, j'essaie quand même de faire preuve d'un minimum de respect. Puis faut pas croire, mais j'avais pas non plus envie d'intoxiquer mes frères à l'époque, alors j'ai eu le temps de mettre en place de supers techniques anti rentrée de fumée ! J'ai bien conscience que toutes ces clopes ne sont pas seulement mauvaises pour moi. Mais pour le moment, je ne suis pas sûr que mon niveau de stress actuel ne soit pas encore plus nocif, autant pour moi que pour mon entourage direct.

Tenue de Shintaro:

- "Cool."

Il hésite, mais finalement il me donne son accord. Et s'il avait voulu refuser, il aurait mieux fait de me le dire clairement, parce qu'il ne faut pas me le dire deux fois. Je fais quand même cramer un bâton d'encens non loin de moi, avant de m'installer à califourchon sur le rebord de la fenêtre, une jambe à l'extérieur une à l'intérieur, adossé à l'encadrement, la main qui tient ma clope en dehors de la chambre. Je ne voudrais pas non plus que ça puisse se sentir depuis le couloir et qu'on vienne me chercher des noises.

Et il n'y a pas à dire, ça a beau être une vraie m*rde, détruire les poumons et coûter une blinde, ça n'empêche que ça fait terriblement du bien. Je sens mes nerfs revenir à un état plus stable à mesure que la fumée s'échappe de mon corps. Sauf que quand quelqu'un toque à la porte, je me sens beaucoup moins à l'aise. Si c'est un pion ou autre figure d'autorité je suis foutu, adieu mon "comportement exemplaire". J'aurais évidemment préféré qu'on fasse comme s'il n'y avait personne dans la chambre, mais communiquer cette infirmation à Soren reviendrait à griller le fait que, bah non, il y a bien du monde à l'intérieur.

Heureusement, j'arrivais déjà sur la fin et j'écrase donc mon mégot sur le rebord avant de me glisser de nouveau à l'intérieur de la chambre et de bien refermer la fenêtre, le temps que mon colloc ouvre la porte. Une fille. Qu'il connait visiblement bien. Est-ce qu'il va vraiment falloir que je supporte la vision d'un petit couple tout mignon ? J'en ai la nausée d'avance. Je m'étale sur mon lit, me préparant à choper mon casque pour mettre la musique à fond et ignorer au mieux ce qui pourra se passer à côté, quand je capte qu'il s'agit en fait de sa sœur. Je ne peux m'empêcher de jeter un regard intrigué. C'est à dire qu'elle n'avait pas l'air de lui ressembler des masses. Ce qui est à nouveau confirmé. Bon, je devrais savoir qu'une couleur capillaire ne veut rien dire, mais quand même.

Du coup, je me retrouve à reposer mon casque pour juste pianoter distraitement sur mon téléphone. Ce qui ne m'empêche pas d'entendre ce qui se dit. Et après ce qui vient de se passer avec mon frère, je dois avouer que ça me tord un peu les boyaux. Alors quand il me demande finalement si ça va, je ne risque pas de lui servir un grand sourire en assurant que tout va bien. L'agacement doit toujours être bien visible sur mon visage que je tourne dans sa direction après avoir reposé mon téléphone sur le matelas (plus doucement cette fois).

- "C'est bon j'ai pas b'soin d'ta pitié, tu m'aurais dit que t'avais rien entendu j't'aurais pas cru."

Et ça m'aurait probablement encore plus énervé. Je prends une grande inspiration pour éviter de me passer les nerfs sur ce type qui n'a rien fait de mal. Heureusement que j'ai pu fumer en fait.

- "Ça a l'air plus tranquille d'avoir une frangine. Vous vous êtes toujours bien entendus ?"

Est-ce que les choses auraient vraiment été différentes si j'avais eu des sœurs et non des frères ? Sûrement pas. Quand je vois le différence entre Kyoijro et Hironobu, c'est juste que Kyo a un caractère de merde. Il aurait probablement été exactement pareil en meuf. Et ça m'aurait sûrement encore plus gonflé.

Tenue de Shintaro:

Étalé sur le dos sur mon lit, les bras croisés derrière la tête, je regarde seulement le plafond en écoutant Soren répondre. Ah, ouais, c'est vrai que j'y ai peut-être été un peu fort... J'espère que personne n'ira se plaindre. J'essaie pas de prendre sur moi depuis le début de ce voyage pour qu'on vienne me faire une remarque à cause de ce petit merdeux.

Je jette naturellement un regard en direction de la porte, comme si un pion allait se pointer pile au même moment. Mais non. Tant mieux. En tout cas, j'ai un peu de mal à croire mon colloc du moment. Franchement, il a l'air beaucoup trop joyeux en me répondant pour que je puisse imaginer qu'il se prenne la tête avec sa frangine. Enfin, en même temps, c'est une fille. Je pense pas que je parlerais de la même façon à mon frère si c'était une meuf. Cette éventualité m'effleure l'esprit et le voir en girl version m'arrache un léger sourire.

- "Ouais, j'vois bien le genre. Mais franchement, être là pour l'autre, des fois c'est vraiment usant."

J'dis ça et en même temps, jamais je ne pourrais le laisser tomber. Sauf que des fois j'ai plus l'impression d'avoir la casquette de père sans en avoir l'autorité, plutôt que celle du frère. J'aimerais bien qu'on puisse être ultra proches, qu'on puisse tout se dire, qu'il ait suffisamment confiance pour venir me trouver quand il a réussi à se foutre dans la me*de une fois de plus. Au lieu de juste appeler pour demander du fric.

- "Et, quand vous vous prenez la tête, comment t'arrive à apaiser les choses ? A faire que tout retourne dans l'ordre et que vous puissiez de nouveau vous parler gentiment ?"

Oui, parce qu'on nous a tendance à se battre assez facilement, mais là encore, j'imagine qu'on tape moins sur sa petite sœur que sur son petit frère... Et surtout, ça ne règle pas systématiquement le problème.

Tenue de Shintaro:

Ok, je crois que je commence à capter. Ce mec c'est juste mon opposé total. Je ne sais même pas comment c'est possible de rester calme et de garder la tête suffisamment froide pour réfléchir objectivement quand la personne en face de moi s'énerve. J'ai plus tendance à être l'huile qu'on rajoute sur le feu.

Alors, est-ce que ça m'aide ? Bah non, bien sûr, je ne vais pas me métamorphoser du jour au lendemain. Et mon frère non plus apparemment. Pourtant, avec le nombre de fois où je l'ai tiré des embrouilles dans lesquelles il a l'habitude de se fourrer, il devrait savoir que je ne lui foutrais pas la paix si facilement. Et c'est bien pour que lui aussi puisse bouffer correctement et arrête de ne porter que mes anciennes fringues que j'ai enchainé les jobs merdiques. Des fois j'ai l'impression qu'il se comporte comme un sale gosse pourri gâté et ça me fait pété les plombs. Sauf qu'il est loin des milieux aisés qui évitent de se retrouver embrigadé dans les mauvaises bandes.

- "Ah ça, s'il cherche à m'énerver, il y arrive à merveille."

Je pousse un soupire et me redresse de mon lit. Je suis toujours autant sur les nerfs en fait. Et d'en parler n'a absolument rien arrangé. J'attrape ma veste et fourre mon téléphone dans ma poche. Va falloir que je bouge, que je trouve quelque chose, n'importe quoi, mais je ne vais pas pouvoir rester là plus longtemps.

- "J'sais pas si j'arriverai à arranger les choses, mais c'est pas en restant là que je vais réussir à redescendre. Faut qu'je bouge pour la soirée."

Je salue vite fait mon colloc et prend la direction de la sortie. On est à Tokyo après tout, il doit bien y avoir quelque chose à faire qui me changera les idées. Parce que je me connais. Si je poursuis encore la discussion ma colère va forcément se retourner contre la seule personne présente pour y répondre, et ça risque juste de créer une ambiance de merde jusqu'à la fin du voyage.

#Terminé