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- Yukio OgawaPersonnel ; prof d'histoire-géo■ Age : 29■ Messages : 340■ Inscrit le : 09/05/2021■ Mes clubs :
Mon personnage
❖ Âge : 28 ans
❖ Chambre/Zone n° : 1
❖ Arrivé(e) en : Fin Janvier 2017
Ego Lunam inveni vespera. Sol recubans. Luctuoso fulgori splenduit. Agere non sciens, ei praebui sinceritatem, quomodo praebui flores. Odor fasciculi displicens ei non videbatur. Super scyphum solitudinis meae rimulam erat. Novus occursus evenit. Nonne labos trepidatioque misceri possunt ? Diu, exspectavi illi suavi faciei revidere. Venustissimam e feminarum peninsulae est. Exspectatio mea diuturna fuit. Salve Luna, meministine mihi ?
La salle des professeurs dormait, assoupie du sommeil du juste, comme assommée d'une activité trop intense durant la journée écoulée. Il était sagement tard. Alors que le soleil surplombait l'horizon avec hésitation, comme désireux d'y plonger sans en avoir le courage, une ambiance douce et affectueuse de fin du monde emplissait les meubles. Là, une tâche de café encore humide, témoin des accidents sans conséquences d'une journée comme une autre. Ici, quelques feuilles manuscrites oubliées par quelque enseignant trop empressé. Là encore, une chaise mal rangée, diffusant encore par son placement quelques ondes de chaleur humaine. Les néons eurent été colorés qu'on se serait pensé dans les années 80. En cette heure de désertion justifiée, tandis que chacun profitait à sa manière des temps allongés d'un été qui n'en finissait pas, le lieu était animé des bruits irréguliers des machines électroménagères anciennes et attachantes. Le réfrigérateur vibrait, et la photocopieuse, mal éteinte, réalignait périodiquement ses têtes, vérifiant inlassablement que le toner abondait. Un néon clignotait, faisant signe à une fenêtre entrouverte, qui laissait se faufiler quelques bribes de vent, dérangeant à peine les piles de documents installées ça et là. C'était un peu comme si l'apocalypse couvait, mais qu'il ne portait en lui que la promesse de la disparition des angoisses de tous.
Yukio patientait, lisant et relisant nonchalamment les titres des reliures tenues entre ses mains. Ce n'était pas tous les jours qu'on analysait les propositions de sujets de thèses d'un étudiant brillant, encore moins lorsque cet étudiant demandait une double direction de ses travaux, et pas n'importe quelle double direction... Moon rentrerait d'un instant à l'autre. Elle aussi aurait porté son attention sur les petits fascicules contenant les idées préliminaires à un travail de recherche étalé sur des années comme une fine couche de confiture. Le débat serait-il intense au point de les faire se consumer ? Peut-être qu'inconsciemment, le professeur d'histoire l'espérait. Il avait souhaité revoir sa collègue depuis leur première entrevue. Les vicissitudes de la vie s'étaient dressées en obstacles à son désir, comme souvent, et ce n'était là que la partie connue de l'iceberg.
Soupirant, il repassa encore son regard sur les titres des divers documents, énonçant presque audiblement:
"La politique des auteurs en questions. Les impensés d'un nouvel ethos dominant des artisans du cinéma"
"Émergence de la politique des auteurs et définition d'un nouveau paradigme limitant, l'apport d'une perspective de la dialectique hegelienne dans la considération des évolutions connues par le modèle industriel du cinéma"
"Technique du cinéma, cinéma de la technique. Les choix artistiques impensés des street level bureaucrats de l'industrie du cinéma"
"Émergence de la politique des auteurs et définition d'un nouveau paradigme limitant, l'apport d'une perspective de la dialectique hegelienne dans la considération des évolutions connues par le modèle industriel du cinéma"
"Technique du cinéma, cinéma de la technique. Les choix artistiques impensés des street level bureaucrats de l'industrie du cinéma"
Des idées jetées sur du papier, des réflexions inabouties, des promesses de découvertes, de quoi susciter l'intérêt et affiner l'axe d'un effort intellectuel contenu et prêt à se libérer. La corde de l'arc était tendue, la flèche prête à partir, mais vers quelle cible ? La jeunesse était pleine d'une énergie inépuisable, c'était touchant. La lassitude ne venait que plus tard chez certains, c'était une chance dont ils ne percevaient pas la valeur.
Yukio posa les petits blocs de cellulose couverts d'encre noire, et leva les yeux au plafond. Il faisait presque bon, il avait envie de s'en griller une. Il baissa les paupières, juste un instant, profitant du calme éphémère.
- InvitéInvité
Thèse, antithèse, synthèse ?
feat. Yukio
Clac. Clac. Clac.
Les talons de Moon résonnent dans le couloir.
Clac. Clac. Clac.
D’un pas assuré, elle rejoint la salle des professeurs.
Clac. Clac. Clac.
Feuillets sous le bras, visage droit.
Elle pousse la porte. A cette heure, il n’y a quasiment personne. “Quasiment”. Presque un euphémisme. Moon elle-même aurait préféré rejoindre son appartement. Son lit. Ses draps. S’y plonger pour ne plus en ressortir. Il n’est que lundi, et pourtant, elle a hâte d’être en week-end.
Mais le devoir l’appelle. Une thèse. Sa première thèse. Elle fut la première surprise par cette sollicitation. C’est encore une très jeune professeur, elle est loin d’avoir fait ses preuves à l’Université, mais l’étudiant lui fait confiance. Bien sûr, ça restera un secret : mais elle est touchée.
Et heureusement, dans cette aventure, elle n’est pas seule.
Yukio est là, presque caché par le mobilier. Les cheveux toujours aussi bruns. L’air toujours aussi droit. Toujours aussi beau, aussi. Finalement, ils ont rompu leur promesse tacite, et ne se sont jamais revus. Drôle d’été dans lequel Moon a embarqué. Elle qui pensait qu’à Tokyo, tout allait trop vite, ce n’est pas à Kobe que la tempête s’est calmée.
Bonsoir ? Une drôle de brise pénètre dans la salle. Moon retient un frisson. Est-ce la température ? Est-ce la gêne ? Moon aurait presque froid. Elle se rapproche doucement du bureau de son collègue, mais garde une distance de sécurité. Les feuillets de Moon ne quittent pas son bras. Elle a annoté la proposition de thèse, l’a raturée de questions, mais en voyant les copies propres du professeur d'histoire, elle n’ose pas les montrer.
D’en diriger tout court, oui.
Les talons de Moon résonnent dans le couloir.
Clac. Clac. Clac.
D’un pas assuré, elle rejoint la salle des professeurs.
Clac. Clac. Clac.
Feuillets sous le bras, visage droit.
Elle pousse la porte. A cette heure, il n’y a quasiment personne. “Quasiment”. Presque un euphémisme. Moon elle-même aurait préféré rejoindre son appartement. Son lit. Ses draps. S’y plonger pour ne plus en ressortir. Il n’est que lundi, et pourtant, elle a hâte d’être en week-end.
Mais le devoir l’appelle. Une thèse. Sa première thèse. Elle fut la première surprise par cette sollicitation. C’est encore une très jeune professeur, elle est loin d’avoir fait ses preuves à l’Université, mais l’étudiant lui fait confiance. Bien sûr, ça restera un secret : mais elle est touchée.
Et heureusement, dans cette aventure, elle n’est pas seule.
Yukio est là, presque caché par le mobilier. Les cheveux toujours aussi bruns. L’air toujours aussi droit. Toujours aussi beau, aussi. Finalement, ils ont rompu leur promesse tacite, et ne se sont jamais revus. Drôle d’été dans lequel Moon a embarqué. Elle qui pensait qu’à Tokyo, tout allait trop vite, ce n’est pas à Kobe que la tempête s’est calmée.
Bonjour.
Bonsoir ? Une drôle de brise pénètre dans la salle. Moon retient un frisson. Est-ce la température ? Est-ce la gêne ? Moon aurait presque froid. Elle se rapproche doucement du bureau de son collègue, mais garde une distance de sécurité. Les feuillets de Moon ne quittent pas son bras. Elle a annoté la proposition de thèse, l’a raturée de questions, mais en voyant les copies propres du professeur d'histoire, elle n’ose pas les montrer.
C’est la première fois qu’on me demande de co-diriger une thèse. Je ferai de mon mieux.
D’en diriger tout court, oui.
Code by awful modifié par Gin
- Yukio OgawaPersonnel ; prof d'histoire-géo■ Age : 29■ Messages : 340■ Inscrit le : 09/05/2021■ Mes clubs :
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❖ Âge : 28 ans
❖ Chambre/Zone n° : 1
❖ Arrivé(e) en : Fin Janvier 2017
Moon restait à distance, comme craintive. Un spectre hantait-il la pièce ? Yukio était attristé de l'éloignement précautionneux que sa collègue conservait avec application. Il se sentait responsable. Il n'avait pas su se montrer sous son meilleur jour, pas su montrer qu'il était plus bienveillant qu'orgueilleux. Il avait soufflé le chaud et le froid sans constance, cédant à ses émotions submergeantes, creusant avec des mots et des attitudes le fossé qui désormais les séparait. Il avait soufflé le chaud et le froid, comment en vouloir à Moon de se couvrir pour se protéger du vent ? Les quelques mètres qui s'étalaient entre eux étaient bien longs. Le professeur d'histoire n'était pourtant pas désireux d'autre chose que d'être sympathique, mais l'alignement de ses désirs et de ses paroles revêtait une nature souvent délicate. S'il pouvait dire ce qu'il pensait, penser ce qu'il disait. Si seulement. Les voies sinueuses de son esprit alimentaient les errances de sa voix.
Il se retroussa moralement les manches, il convenait d'être plus correct que le dernière fois, moins abrupt, moins froid. Ce n'était pas comme s'il était complètement soumis à sa nature ordonnatrice et intransigeante. Le chaos interne de son esprit aurait dû nourrir sa capacité à émettre de la chaleur humaine. Pourquoi ne pouvait-il simplement pas se laisser aller à badiner avec sa collègue. Par quelle magie provoquait-elle en lui ce sentiment diffus de devoir se protéger par des postures rigoristes et intolérantes ? Au fond, peut-être qu'il était, lui aussi, craintif. Il percevait parfaitement que Moon avait la compétence nécessaire pour le comprendre, pour le juger, et donc pour le blesser. Ce pouvoir ne résidait pas dans tous les regards qu'il croisait. Peu habitué à côtoyer un tel danger potentiel, il réagissait d'une manière immature. Il se plaignait de sa lassitude et prenait peur dès que l'enjeu devenait tangible. C'était risible, presque honteux, et la professeure de cinéma disposait de toutes les capacités nécessaires pour le voir, voilà qui était encore plus déstabilisant. Inconsciemment, il se réfugiait dans l'idée qu'il valait mieux paraitre odieux que de dévoiler l'éloquence de son imposture. C'était méprisable, il fallait faire mieux.
Pourtant, Moon était toujours aussi belle, toujours aussi altière, toujours aussi intimidante, c'était précisément ce qui la rendait si séduisante.
Il tenta un sourire, un peu comme il pouvait, et entama la discussion avec l'air d'un jongleur amateur dépassé par l'exigence de son exercice:
- Bonjour Madame Kawaguchi, je suis heureux de vous voir. Je suis désolé de vous voler un début de soirée dont vous auriez aimé, j'en suis sûr, profiter autrement. Le devoir sait choisir ses moments. Rassurez-vous, c'est la première fois pour moi également. Je ne suis pas plus rompu que vous aux difficultés que tout cela peut poser. Gageons que ce sera plus profitable qu'autre chose. Je vous promets de m'investir pour que ce soit le cas, rappelez-le moi si vous voyez que je cause des problèmes.
Il essaya de se saisir d'un ton plus informel, qui sonnait un peu faux malgré la sincérité de sa démarche:
- Vous devriez vous asseoir, vous devez souffrir avec vos talons.
Il s'en voulut et se mordit la langue, ses paroles révélaient qu'il avait détaillé de pied en cap sa collègue. Il tenta gauchement de se rattraper:
- Enfin je ne voulais pas dire que vos talons n'étaient pas pratiques, vous les portez avec élégance... Et par là je ne ne cherche pas à signifier qu'un autre type de chaussures ne vous irait pas. Vous portez ce que vous voulez, c'est votre liberté la plus fondamentale et les gens n'ont rien à dire... Ce qui ne veut pas dire que ça me laisse indifférent... Enfin si, mais non... Vous voyez ce que je veux dire ? C'est très complexe tout ça.
Il se frappa intérieurement, il méritait vraiment des baffes. Les choses partaient très mal.
- InvitéInvité
Thèse, antithèse, synthèse ?
feat. Yukio
Il s’excuse, encore. Drôle d’homme, à la fois l’air sûr de lui et à la voix si désolée. Il avance d’un pas, en recule de deux. Ce n’est pas désagréable, de l’entendre si mal à l’aise. Est-ce elle, qui le fait balbutier ? Elle aimerait bien lui faire perdre un peu pied. C’est satisfaisant, de voir un homme à côté de ses pompes. Pas vraiment sexy, mais très satisfaisant. Alors, finalement, mesurant que la gêne est certainement tout aussi - si ce n’est plus - forte pour Yukio que pour elle, elle s’autorise à poser ses feuillets sur le bureau, afin de s’installer.
Et à cette heure, elle préfère porter des chaussons. D’une main ferme, elle attrape une chaise non loin du bureau de Yukio. Ce n’est pas la sienne, mais elle ne manquera pas à son propriétaire. Avant de partir, Moon prendra bien soin de la ranger, ni vu, ni connu. Elle tire le meuble jusqu’au bureau de son collègue, et s’y assoit.
Du bout des doigts, elle feuillette ses fiches, se remémore ses notes. Enfin, remémorer… Elle a pris tellement de temps à lire le projet de thèse, à s’en imbiber, qu’elle en connaît presque chaque mot. C’est qu’elle est sérieuse, la professeur de cinéma. On lui fait confiance, elle doit se mettre à la hauteur des attentes.
Car après tout, rien de mieux que la pratique. Finalement, Moon lâche ses feuilles, et recule pour se coller au dos de sa chaise. Confortablement assise, elle plonge ses yeux dans ceux de Yukio.
Tout en parlant, ses phalanges pianotent sur ses cuisses. Si sa voix ne flanche pas, le corps de Moon est bavard : elle n’est décidément pas encore à l’aise dans cet exercice. La recherche, elle l’a surtout vécue en solitaire.
Vous avez raison. Malgré l’habitude, les escarpins ne sont jamais aussi confortables que des pantoufles.
Et à cette heure, elle préfère porter des chaussons. D’une main ferme, elle attrape une chaise non loin du bureau de Yukio. Ce n’est pas la sienne, mais elle ne manquera pas à son propriétaire. Avant de partir, Moon prendra bien soin de la ranger, ni vu, ni connu. Elle tire le meuble jusqu’au bureau de son collègue, et s’y assoit.
Du bout des doigts, elle feuillette ses fiches, se remémore ses notes. Enfin, remémorer… Elle a pris tellement de temps à lire le projet de thèse, à s’en imbiber, qu’elle en connaît presque chaque mot. C’est qu’elle est sérieuse, la professeur de cinéma. On lui fait confiance, elle doit se mettre à la hauteur des attentes.
On apprendra ensemble.
Car après tout, rien de mieux que la pratique. Finalement, Moon lâche ses feuilles, et recule pour se coller au dos de sa chaise. Confortablement assise, elle plonge ses yeux dans ceux de Yukio.
Je pense que le projet de thèse est solide. Du moins, intéressant. Il y a du travail, il faut affiner, évidemment. Mais l’approche historique de l’auteur peut être pertinente. L'étudiant gagnerait à fouiller un peu plus dans un corpus international. Français et américain, surtout. Et à affiner sa filmographie. Pour le moment, il n’a pas vraiment pointé du doigt les films sur lesquels il aimerait travailler. C’est nécessaire pour une thèse de cinéma.
Tout en parlant, ses phalanges pianotent sur ses cuisses. Si sa voix ne flanche pas, le corps de Moon est bavard : elle n’est décidément pas encore à l’aise dans cet exercice. La recherche, elle l’a surtout vécue en solitaire.
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- Yukio OgawaPersonnel ; prof d'histoire-géo■ Age : 29■ Messages : 340■ Inscrit le : 09/05/2021■ Mes clubs :
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Yukio écoutait Moon dérouler ses arguments avec une attention perturbée par la voix agréable de son interlocutrice. C'était un peu comme si la douceur d'un tissu venait empêcher d'y lire les motifs. Le fait d'avoir les yeux plongés dans ceux de la professeure de cinéma n'arrangeait rien, il avait l'impression que sa collègue sondait son âme de la foudre mélodieuse de son regard, et ça le mettait mal à l'aise. Il ne cultivait pas artificiellement son extraversion pour laisser les profondeurs de son esprit perquisitionnées par l’œil affable des femmes, fussent-elles de qualité. Presque par réflexe, il détourna très légèrement le regard, et gêné par le flot des paroles de son interrogatrice, se raccrocha aux mots clés de son discours comme on se raccroche aux branches lorsqu'on pose en pleine forêt après avoir été un peu trop audacieux sur la finesse aérodynamique de son parapente. En universitaire accompli, il identifia malgré ses difficultés le sens global du propos et, porté par son habitus d'enseignant chercheur, il bricola sans même y penser une réponse digne des colloques les plus obscurs:
- Ce que vous dites est évidemment très intéressant, et je m'inscris en plein accord avec les arguments que vous venez de développer. Néanmoins, si je puis me permettre humblement de donner une perspective complémentaire à ce qui vient d'être dit, je souhaiterais préciser que si piocher dans les corpus américains et français semble pertinent, le projet gagnerait, surtout historiquement, à confronter les conceptions occidentales aux conceptions soviétiques. Ce serait, à mon sens, opportunément original, et permettrait d'apporter une vision novatrice dans le champ de recherche.
Il compléta sur un ton passionné, porté par son élan, le visage dans le vague, perdu dans ses réflexions:
- On pourrait voir la politique des auteurs comme l'imposition de l'échelon intercalaire entre la fonction exécutive et la fonction de production comme étant l'échelon définissant artistiquement l’œuvre cinématographique. Dans ce cadre, le cinéma soviétique, avec son inexistence de la fonction de production, tient une place singulière qu'il peut être intéressant d'analyser, surtout dans la mesure où cette absence des producteurs n'est absolument pas garante d'une liberté artistique totale. Comme a pu le rappeler Bernard Eisenschitz, ce système conduisait malgré le conformisme et la censure à l'impossibilité pour les réalisateurs soviétiques de se voir dépossédés de leur œuvre1, et Naum Klejman a bien montré comment, dès les années 20, les réalisateurs soviétiques se considéraient et se comportaient comme des auteurs2, ce qui a, soit dit en passant, conduit cette avant garde conceptuelle à fracasser son désir de pouvoir de transformation sociale sur la capacité de compréhension limitée du grand public de l'époque.
Il fit une légère pause, passant en revue les inventaires neuronaux de son cerveau, puis ménagea sa conclusion:
- Si l'idée est aussi de travailler sur la portée artistique de la fonction exécutive, il pourrait de même être intéressant de travailler sur des trajectoires de personnes autant que sur des œuvres proprement dites. Quelqu'un comme Youri Ekeltchik3 serait par exemple un matériau très fertile...
Il se coupa lui-même la parole, reprenant sa propre propension à divaguer:
- Mille excuses, je vagabonde intellectuellement, veuillez me pardonner. Pour apporter conclusion à mes égarements, je pourrais si nécessaire communiquer à notre ami sous contrat doctoral une liste de films, de réalisateurs et autres comédiens. Le cinéma soviétique n'est peut-être pas votre objet d'étude préférentiel. Sur ce point, nous pouvons compléter nos approches.
- Spoiler:
- 1 Voir notamment les publications de Bernard Eisenschitz: Lignes d'ombres : un autre histoire du cinéma soviétique 1926-1968, Mazzotta, 1998 et Gels et dégels du cinéma soviétique, Centre Georges Pompidou / Mazzotta, 2003.
2 Naum Klejman, ancien directeur de la cinémathèque de Moscou, voir notamment ses entretiens sur l'histoire du cinéma soviétique, et ses travaux sur l'essai de construction d'un Hollywood soviétique à Yalta, et son dialogue avec Bernard Eisenschitz dans Gels et dégels du cinéma soviétique, Centre Georges Pompidou / Mazzotta, 2003.
3 Youri Ekeltchik, 1907-1956, directeur de la photographie sur des films comme Le jeune homme sévère, d'Abram Room, Le printemps, de Grigorij Aleksandrov, et La bataille de Stalingrad, de Vladimir Petrov. Images impressionnantes sur les plans larges. Des milliers de figurants à l'écran comme seul le cinéma soviétique a pu le faire.
- InvitéInvité
Thèse, antithèse, synthèse ?
feat. Yukio
Yukio est impressionnant. Toujours. Que ce soit ses yeux bruns, son ton assuré, mais surtout ses connaissances variées. Elle serait bien incapable, elle, d'un tel point du vue sur le sujet d’une thèse en histoire. Japonaise, coréenne, ou où que ce soit d’autre. Celle du cinéma, oui. Mais voilà bien là ses limites. Son collègue est brillant. Elle n’en avait aucun doute.
Pas le moins du monde. Ce n’est pas parce qu’il se fait tard, et parce que tout le monde a déserté la salle des professeurs, qu'il n'est plus l'heure de penser.
Parce qu’il y a toujours un “pourtant”.
Le projet est prometteur, mais manque de finesse. C'est bien la raison pour laquelle les deux professeurs se retrouvent ce soir. Le jeune étudiant cite de nombreux cinéastes, de nombreux films et de nombreuses époques dans sa proposition de thèse. Un choix qui s’avère pertinent pour l’étude d’un motif, mais qui peut être, il est vrai, trop vaste pour l'étude de la notion d’auteur.
S'il vous plaît, ne vous excusez pas.
Pas le moins du monde. Ce n’est pas parce qu’il se fait tard, et parce que tout le monde a déserté la salle des professeurs, qu'il n'est plus l'heure de penser.
Vous avez absolument raison. Si le cinéma soviètique m’échappe, et que je suis plus à l’aise sur le terrain occidental, vos arguments sont intéressants. Un contrepoint nécessaire avec la politique des auteurs française. Pourtant…
Parce qu’il y a toujours un “pourtant”.
Si je pense qu’appréhender ces auteurs dans sa bibliographie est très pertinent, je ne souhaite pas lui proposer l’étude de l'œuvre d’un cinéaste unique.
Le projet est prometteur, mais manque de finesse. C'est bien la raison pour laquelle les deux professeurs se retrouvent ce soir. Le jeune étudiant cite de nombreux cinéastes, de nombreux films et de nombreuses époques dans sa proposition de thèse. Un choix qui s’avère pertinent pour l’étude d’un motif, mais qui peut être, il est vrai, trop vaste pour l'étude de la notion d’auteur.
Voyez sa filmographie, il désir manifestement étudier une diversité de formes. Evidemment, c'est trop. Nous devrions certainement l’inviter à se concentrer sur une époque, plutôt qu’un artiste, un moyen de concilier limites et diversité.
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- Yukio OgawaPersonnel ; prof d'histoire-géo■ Age : 29■ Messages : 340■ Inscrit le : 09/05/2021■ Mes clubs :
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Poser les limites de l'objet à étudier, préciser les contours de ce qui sera passé sous le microscope. Voilà qu'en définitive, on en revenait au réflexe universitaire le plus communément partagé: définir la notion, pour avoir fait, sans en avoir l'air, la moitié du travail. C'était à la fois indispensable et facile. Certaines thèses, certains articles de recherche, n'étaient que de longs prolégomènes. Malgré sa pratique, Yukio trouvait toujours ça un peu facile. Il y avait parfois dans la démarche un côté thésotron aléatoire. En sciences politiques et en sociologie, il lui semblait particulièrement qu'il suffisait parfois de prendre un mot, et d'expliquer que la notion était un impensé naturalisé pour être publié. A partir du moment où l'on avait compris que tout était un construit social, pourquoi se confiner à l'ânonner encore et encore ? Aller plus loin, interroger l'émergence, la performativité et l'intérêt des construits sociaux, voilà qui était stimulant, voilà qui permettait de savoir quoi dynamiter et quoi conserver. Excès inverse généralement associé aux jeunes têtes brûlées, vouloir révolutionner la discipline à coup de travail insurrectionnel, en faisant généralement l'économie d'un état de l'art suffisant, et en ne lésinant pas sur le melon. Modération craintive dans un cas, ambition intempérante dans l'autre. Dans les deux cas, manque de profondeur.
En définitive, Moon avait raison, bien évidemment. Il fallait circonscrire la zone à liquider, canaliser la concupiscente mégalomanie du thésard passionné. En un mot comme en cent, juguler.
Laissant sans y penser ses yeux retrouver ceux de son interlocutrice, le professeur d'histoire acquiesça de manière imperceptible aux paroles de sa collègue, et reprit d'un ton calme, la laissant aller au bout, et se donnant le temps d'assimiler correctement ses mots:
- Comme vous dites, il y a une forme d'immaturité scientifique dans la multiplication des objets de scrutation, au risque de s'y perdre, ou de ne savoir, in fine, les décrypter. L'équilibre que vous proposez me parait assurer une certaine viabilité du projet. Limiter le jeu de quilles à une époque bien définie permettra de stabiliser la première phase du travail de recherche, quitte à décloisonner par la suite, une fois le cap déterminé par les vents et les courants.
Il compléta avec un air sympathique et un sourire:
- Vous voyez, ce n'est pas si compliqué de diriger une thèse, on ne s'en sort pas si mal que ça, non ? Reste à choisir l'époque visée, ce qui n'est pas une mince affaire. Vous l'avez bien pointé, la filmographie qu'on trouve là dedans est empreinte d'une certaine foi sérendipitaire. On part de Nanouk l'Esquimau, on passe par Le Château De l'Araignée, et on finit par Street Trash. Pour lâcher la bride à ma triviale tendance à m'exprimer de manière imagée, j'aime autant dire qu'il va falloir trancher à la scie sauteuse, quitte à amputer le patient contre son gré et sans anesthésie.
- InvitéInvité
Thèse, antithèse, synthèse ?
feat. Yukio
Il a raison, Yukio, ce n’est pas si difficile de diriger une thèse. Il faut que Moon se fasse un peu plus confiance, dans cet exercice. C’est toujours compliqué, les premières fois. Et il y a bien longtemps que Moon n’a pas vécu de premières fois. Plus le temps passe, et plus il lui est difficile de s’abandonner à la difficulté. L’acquis est bien plus confortable.
Pourtant, alors qu’elle en était si stressée, elle est maintenant très exaltée par cette nouveauté. C’est la force de leur métier. Chaque projet, de chaque étudiant, est un challenge.
La brièveté de Moon contraste avec le flot de paroles de Yukio. Mais c'est parce qu'il parle beaucoup, qu'il la rassure.
Les idées sont meilleures lorsqu’elles sont échangées et confrontées. Le travail de ce soir ressemble à une discussion. Seule, elle aurait certainement bûché davantage, la tête dans ses bouquins, à recouper plusieurs bibliographies. Et puis, il y a le risque de déformer le projet de l’étudiant et d’en faire le sien. Un risque qui est forcément atténué par la force du nombre. Yukio peut veiller sur la pertinence des remarques de Moon, et inversement.
Un bon équilibre.
Un aspect bien plus technique que ce que l'étudiant semble vouloir aborder. Pas certain qu'il soit vraiment intéressé par l’histoire des sciences. Pourtant, c’est un domaine de recherche fleurissant dans les études cinématographiques, et poppent aux Etats-Unis et en Europe plusieurs colloques à ce sujet.
Pourtant, alors qu’elle en était si stressée, elle est maintenant très exaltée par cette nouveauté. C’est la force de leur métier. Chaque projet, de chaque étudiant, est un challenge.
Je vous en remercie.
La brièveté de Moon contraste avec le flot de paroles de Yukio. Mais c'est parce qu'il parle beaucoup, qu'il la rassure.
Ce n’est pas si compliqué, parce que vous êtes un bon partenaire.
Les idées sont meilleures lorsqu’elles sont échangées et confrontées. Le travail de ce soir ressemble à une discussion. Seule, elle aurait certainement bûché davantage, la tête dans ses bouquins, à recouper plusieurs bibliographies. Et puis, il y a le risque de déformer le projet de l’étudiant et d’en faire le sien. Un risque qui est forcément atténué par la force du nombre. Yukio peut veiller sur la pertinence des remarques de Moon, et inversement.
Un bon équilibre.
Pour être tout à fait honnête, nous pouvons déjà deviner l’époque de prédilection de l’étudiant. Malgré la diversité de son corpus, il semble s’intéresser davantage au cinéma moderne. Il y a bien quelques références historiques qui plaisent au corps enseignant : Nanouk, L’Aurore, et autres Maisons Usher, mais la plupart des films qu'il cite sont compris entre 1980 et 2015. C’est encore un peu large, mais ça peut être pertinent. C’est une idée, à débattre, mais il me semble que s’il choisit ce corpus, il sera nécessaire d’envisager la question du support. Le passage de la pellicule au numérique, qui transforme forcément les dynamiques de réalisation.
Un aspect bien plus technique que ce que l'étudiant semble vouloir aborder. Pas certain qu'il soit vraiment intéressé par l’histoire des sciences. Pourtant, c’est un domaine de recherche fleurissant dans les études cinématographiques, et poppent aux Etats-Unis et en Europe plusieurs colloques à ce sujet.
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- Yukio OgawaPersonnel ; prof d'histoire-géo■ Age : 29■ Messages : 340■ Inscrit le : 09/05/2021■ Mes clubs :
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Un bon partenaire ? Voilà qui était de nature à faire rougir Yukio comme un adolescent en pleine découverte de la puissance de ses émotions. Gêné par le compliment, d'autant qu'il provenait d'une personne de qualité, il voulut camoufler sa légère confusion en intercalant entre les regards des deux enseignants quelques feuilles polycopiées. C'était à la fois puéril et assez spontané. Même avec tous les efforts du monde, le geste paraissait bizarre, un peu trop prononcé pour une simple envie de lecture. Bien qu'il en eut parfaitement conscience, il pouvait difficilement ne pas aller au bout de sa démarche, et ne reposa le paquet de cellulose qu'après avoir fait semblant de lire tout un paragraphe, avec attention. Réajustant son col, il se redonna une consistance, et écouta sa collègue avec une écoute toute absorbée.
Moon, ordinairement économe de sa voix, devenait brusquement volubile dès lors qu'on touchait à ce qui la passionnait. C'était assez touchant, de la voir ainsi manier les mots sans y réfléchir, dépenser sa parole généreusement, comme un tribun en plein trip devant l'auditoire. Là où Yukio usait du verbe pour se construire des murailles, la professeure de cinéma semblait empreinte d'une certaine sérénité dans le choix du silence. Sans avoir besoin de mobiliser les mots, elle en imposait simplement par sa posture, sa tenue et ses regards. Ne sachant se faire remarquer sans être prolixe, son collègue l'enviait. Il ne lui en voulait pas vraiment, mais il était admiratif, et aurait adoré pouvoir en faire autant qu'elle. Il s'épuisait souvent la voix dans des phrases sans fin. Il couvrait l'atmosphère de locutions pour rendre l'air opaque. C'était un effort permanent, et s'il n'en avait pas eu l'habitude, c'eut été, à coup sûr, exténuant. Elle, à l'inverse, était si élégante dans sa dignité réservée, c'était lumineux.
Attrapant les concepts au creux des phrases de son interlocutrice, le professeur d'histoire essaya de faire des liens dans son esprit. Il marqua une pause réflexive quand elle eut terminé, comme pour digérer son propos, puis ajouta, le regard pensif:
- Vous avez raison. La question du support pourra être évoquée avec pertinence, et puisque l'on parle de la période d'émergence et de développement du numérique, celle de la transformation des techniques dans le domaine des effets spéciaux pourra compléter la démarche. Notre ami a l'air de vouloir mettre l'accent sur le cinéma en tant qu'art collectif. Dans ce cadre, l'évocation des techniques parait incontournable. Il y a sûrement lieu à montrer là comment les aspects matériels participent de la dimension artistique d'une œuvre, non pas seulement en tant que choix d'auteur, mais également par le recours à des personnes qui impriment, par leur travail, un peu de leur vision des choses. En gardant cela à l'esprit, il y aurait lieu de se demander si le passage de la pellicule au numérique renforce, ou au contraire réduit, la capacité du réalisateur à définir entièrement une œuvre, si tant est que ce soit possible.
Il s'interrompit et se mordit la lèvre inférieure. Il venait encore de faire un tunnel.
- InvitéInvité
Thèse, antithèse, synthèse ?
feat. Yukio
Maladroit. C’est la première fois que Yukio est maladroit. Elle a vu, pourtant, la gêne monter à ses joues, avant qu’il ait le temps de remonter les feuilles. Mais Moon ne relève pas. Bien qu’elle trouve sa timidité mignonne - peut-être un peu trop, pour un simple collègue - elle lui donne le bénéfice du doute. Et puis, il y a le silence de la lecture, un peu gênant. Moon se demande si Yukio lit vraiment. Elle voudrait lire ses yeux, mais impossible de le faire sans être évidente. Alors, elle attend.
Et quand il repose le paquet de feuilles, ses joues ne sont plus pourpres.
Elle en est presque déçue. Moon aime perturber l’attention des hommes. Surtout des beaux hommes. Encore plus intelligents. Et le voilà reparti, dans sa verve habituelle. Ils trouvent un accord, et Moon est satisfaite. Finalement, cette soirée de travail est agréable. Elle ne pensait pas son collègue d’histoire aussi intéressé par le cinéma. Ses remarques, toutes pertinentes, permettent de délimiter un cadre théorique qui enthousiasme beaucoup la professeur de cinéma.
Qui ne sera pas disponible derechef. Entre le temps de la pensée, il y a le temps de l’administratif. Rien de plus désagréable. Doodle, calendar, et autres myriades de mails, pour trouver un arrangement.
Moon se mord immédiatement la joue. Pourquoi proposer ça ? C’est qu’elle commence à devenir serviable.
Et quand il repose le paquet de feuilles, ses joues ne sont plus pourpres.
Elle en est presque déçue. Moon aime perturber l’attention des hommes. Surtout des beaux hommes. Encore plus intelligents. Et le voilà reparti, dans sa verve habituelle. Ils trouvent un accord, et Moon est satisfaite. Finalement, cette soirée de travail est agréable. Elle ne pensait pas son collègue d’histoire aussi intéressé par le cinéma. Ses remarques, toutes pertinentes, permettent de délimiter un cadre théorique qui enthousiasme beaucoup la professeur de cinéma.
Il me semble que nous avons délimité les bords du sujet. Il ne nous reste plus qu’à en discuter avec le principal concerné.
Qui ne sera pas disponible derechef. Entre le temps de la pensée, il y a le temps de l’administratif. Rien de plus désagréable. Doodle, calendar, et autres myriades de mails, pour trouver un arrangement.
Je peux m’en occuper, si vous le voulez.
Moon se mord immédiatement la joue. Pourquoi proposer ça ? C’est qu’elle commence à devenir serviable.
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- Yukio OgawaPersonnel ; prof d'histoire-géo■ Age : 29■ Messages : 340■ Inscrit le : 09/05/2021■ Mes clubs :
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Yukio fronça légèrement les paupières, comme suspicieux. Moon était-elle en train d'essayer de lui voler les tâches administratives ? Il n'en revenait pas, c'était proprement insultant. Elle voulait lui piquer la paperasse, à lui qui collectionnait les formulaires cerfa depuis sa plus tendre enfance, passionné qu'il était de cases à cocher, cotations diverses et circulaires d'application. Elle lui coupait l'herbe du rétroplanning sous le pied. Piqué au vif dans le cœur de ses préoccupations sentimentales, vexé comme un rond de cuir à qui on aurait retiré son jeu de tampons, il faillit s'exclamer "Touche pas au grisbi !", mais n'en fit rien, retenu par la bienséance seule.
Il tenta intérieurement de calmer ses ardeurs bureaucratiques. Il savait que son interlocutrice n'avait pas pensé à mal. On ne reprochait pas au voyageur de méconnaitre les us et coutumes d'un pays. Après tout, elle n'était pas arrivée sur le campus depuis si longtemps, et ignorait donc tout de la réputation de son collègue. Autrement, elle n'aurait pas été aussi blessante avec lui. Il ravala ses avis motivés et décisions à caractère décisoire en déglutissant violemment, effaçant dans une toux artificielle les signes extérieurs de sa réaction presque physiologique.
Penaud, la voix éteinte, à l'image d'un gamin réclamant gentiment un jouet préalablement confisqué, il avança:
- Mais... Euh... Non... Je peux le faire vous savez. J'aime bien ça.
Les yeux un peu vitreux, il se rappela avec émotion sa première attestation sur l'honneur, sa première queue à un guichet unique, l'odeur de l'encre apposée sur le papier par son tout premier hanko. Qui avait besoin de calligraphie ? Les règles occultes et fluctuantes des arcanes administratives, des sous-directions et autres bureaux sectoriels à organigrammes en trois dimensions étaient tellement plus belles. Pour changer le monde, la meilleure des volontés n'était rien face au papier carbone, et la plus grande des déterminations pouvait être mise en échec par la fongibilité asymétrique des crédits et les plafonds d'emplois en équivalents temps plein. Le Japon, fière nation de plumitifs rigoureux, pouvait déplacer des montagnes à coups de réquisitions dérogatoires, il fallait juste ne pas oublier le parapheur sur la photocopieuse.
Craignant d'être jugé pour ses passions inavouables par l’œil inquisiteur de sa collègue, Yukio se sentit obligé de se justifier:
- J'ai un compte premium sur Doodle.com... Du coup j'ai plus d'options... Vous comprenez, c'est juste histoire d'optimiser... Enfin vous voyez quoi...
Il hésita, mais il avait un besoin irrépressible d'aller au bout:
- Après j'imprime et je mets tout dans des classeurs plastifiés avec des intercalaires... Et ensuite je range les classeurs chronologiquement... Avec un code couleur et la description du contenu sur la tranche... Et je double tout sur un espace de stockage en ligne par sécurité... Et après quand ça fait trois ans je classe par ordre alphabétique dans des boites en carton... Pis je fais des bordereaux d'archivage, histoire de m'y retrouver quoi.
Il eut un sourire un peu artificiel et gêné. Il était sûr d'avoir été très rassurant. Quelqu'un de rigoureux et organisé, c'était forcément sécurisant.
- InvitéInvité
Thèse, antithèse, synthèse ?
feat. Yukio
Il aime ça. Et Moon n’en croit pas ses oreilles. Yukio aime l’administratif. La professeur de cinéma pensait que les aficionados du papier étaient une légende. Qu’ils se cachaient dans des bureaux de secrétaires. Et puis, elle se faisait une image d’eux : dans l’obscurité d’archives, à se balader les lunettes corrigeant la myopie que les petits caractères leur ont infligé. Des taupes.
Yukio ne ressemble pas à une taupe.
Et il se justifie. La bouche mi-ouverte, elle le regarde se débattre avec ses pensées. Alors, c’est à ça que ça ressemble, un fan de paperasse ? Et elle le détaille, et elle l’observe. C’est une espèce rare, qu’on ne voit qu’une fois toutes les lunes bleues. Et puis, finalement, Moon comprend. Il y avait tant de signes ! La manie, le bureau bien rangé. Les cheveux tirés, et le costume repassé.
Et alors qu’il se démène, et se débat. Alors qu’il se justifie d’être de ceux qui n’existent pas, Moon ponctue la conversation par :
Parce que pour elle, ni besoin de discours, ni besoin de suppliques. Si elle peut s’éviter les formulaires, les classeurs plastifiés, les intercalaires, et tout ce qui va avec, très bien. Moins de papier, plus de travail.
Yukio ne ressemble pas à une taupe.
Et il se justifie. La bouche mi-ouverte, elle le regarde se débattre avec ses pensées. Alors, c’est à ça que ça ressemble, un fan de paperasse ? Et elle le détaille, et elle l’observe. C’est une espèce rare, qu’on ne voit qu’une fois toutes les lunes bleues. Et puis, finalement, Moon comprend. Il y avait tant de signes ! La manie, le bureau bien rangé. Les cheveux tirés, et le costume repassé.
Et alors qu’il se démène, et se débat. Alors qu’il se justifie d’être de ceux qui n’existent pas, Moon ponctue la conversation par :
Très bien, alors. Je compte sur vous.
Parce que pour elle, ni besoin de discours, ni besoin de suppliques. Si elle peut s’éviter les formulaires, les classeurs plastifiés, les intercalaires, et tout ce qui va avec, très bien. Moins de papier, plus de travail.
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- Yukio OgawaPersonnel ; prof d'histoire-géo■ Age : 29■ Messages : 340■ Inscrit le : 09/05/2021■ Mes clubs :
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Mobilisant sa voix d'enseignante rassurante avec la célérité de l'habitude, Moon coupa court aux circonvolutions langagières de son collègue, qui interrompit sa logorrhée errante en baissant le regard. Plongé dans la honte confondante d'un enfant qu'on aurait saisi à réquisitionner un paquet de kinders, Yukio gardait les yeux au sol, n'osant soutenir la considération vraisemblablement dédaigneuse de sa collègue. Il sentait sur ses épaules un poids plus grand encore que s'il avait été contraint à sortir du placard les costumes colorés de ses sentiments. Il avait révélé à son assistance du moment bien plus qu'une part de lui-même, laissé briller à la lumière du jour un fragment scintillant de sa substance. Il s'était, à vrai dire, senti confiant dans l'étalement de ses névroses compulsives, et il s'en percevait ignominieux. On a pas idée de vomir sur le paillasson de son voisin la quintessence de son être, c'est quand même plus que malpoli.
Lentement, et parce que sa collègue laissait toujours le silence nettoyer les plaies de sa dignité, le professeur d'histoire finit par relever brièvement les mirettes, comme un sous-marin aurait sorti le périscope. Le coup de sonde le laissa sur sa faim. Moon affichait bien plus un air de surprise et d'incompréhension que de mépris, si tant est qu'il était possible, sur son visage contrôlé et conduit à l'égalité, de repérer quelque signe ostensible d'une émotion inassumée et spontanée. D'une certaine manière, la professeure de cinéma semblait le détailler avec curiosité, comme une créature cryptozoologique trouvée par sérendipité un jour de promenade digestive. Il ne protesta pas, et la laissa l'observer. Après tout, il avait l'habitude d'être dévisagé par des oeillades incomprises, et ce qui changeait n'était que l'importance qu'il pouvait accorder, pour une raison inconnue, à celles de celle qui lui faisait face en ce cas précis.
Elle avait eu le bon ton de ne pas insister, comme pour lui permettre de garder la face. Attention authentiquement bienveillante. Haussant peu à peu le port de ses épaules, il s'efforça de reprendre son assurance, légèrement laissée de côté, en l'attrapant comme s'il s'était agi d'une pomme de terre brûlante, tandis qu'il eût porté des moufles. Il se força à sourire, mais ça ne devait pas être très probant. Il travaillait encore à reconstruire sa consistance quand sa gêne le poussa à vouloir meubler le vide verbal de l'atmosphère, et à lancer sur un ton à moitié tissé de sérieux:
- Euh... Du coup... Je peux faire un compte-rendu de la réunion d'aujourd'hui et un ordre du jour prévisionnel pour la réunion à venir ?
Déjà désolé de ses propres fulgurances, il eut la brève impression de comprendre quel devait être la perception contrariée d'un cochon ayant cédé à son envie de se rouler dans la boue. S'il avait su dépasser ses propres turpitudes morales, il aurait pu conquérir le monde, mais les ailes de sa discipline ne savaient pas le porter par delà la volière de ses propensions inconscientes. Dindon de la farce face à ses propres autoroutes mentales, il ne savait plus y rouler à allure modérée.
Quitte à foncer sur l'autobahn, autant mettre des lunettes noires, la radio réglée au volume maximal, et profiter du soleil en décapotant la Ferrari. Décomplexé, presque autodérisoire, il ajouta:
- Mmmmh, à votre moue compatissante, je perçois que vous venez de comprendre pourquoi je suis toujours célibataire à mon âge avancé.
- InvitéInvité
Thèse, antithèse, synthèse ?
feat. Yukio
Ni Candide, ni Sisyphe, Moon a parfois du mal à cerner Yukio. Il semble à chaque fois osciller entre ces deux portraits. Et pourtant, elle apprécie ces petits moments de suspension, pendant lesquels le professeur d’histoire-géographie perd son sang-froid, et sa stature de sérieux érudit, pour une posture presque plus enfantine. Et souvent désolée. Elle aime bien, parce que face à cet homme qui aurait tout du parfait japonais, elle ne se sent pas toute petite. C’est drôle, ce que la maladresse peut avoir de rassurant.
Et c’est pénible. Elle le garde pour elle. Et alors qu’elle s’apprête à ranger son sac, afin de terminer la conversation - et de ce fait, la réunion -, la remarque de Yukio la surprend.
Je vous en prie.Elle pourrait s’arrêter là, juste là, et terminer la conversation d’une courbette polie, mais elle sent que le mutisme l’inquiète. Que moins elle en dit, et plus il s’excuse, plus il demande, et plus il parle. Alors, pour éviter à Yukio de s’en vouloir, elle ponctue d’un :
Et puis, ça m’arrange, je prends toujours trop de temps pour les peaufiner.
Et c’est pénible. Elle le garde pour elle. Et alors qu’elle s’apprête à ranger son sac, afin de terminer la conversation - et de ce fait, la réunion -, la remarque de Yukio la surprend.
Pardon ?Est-ce qu’il la drague ? Moon se surprend à se poser la question. Pourquoi parler de son célibat, sinon ? Et pourtant, dans sa voix et dans son regard, elle ne décèle pas l’arrogance des hommes qui essaient de la séduire. “Pourquoi me dire ça ?”, c’est ce qu’elle aimerait lui demander. Mais elle n’ose pas, c’est trop direct. Alors, elle s’oblige à seulement répondre par un poli :
C’est un bien piètre défaut. Vous êtes un homme charmant, je doute que vous restiez célibataire longtemps.
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- Yukio OgawaPersonnel ; prof d'histoire-géo■ Age : 29■ Messages : 340■ Inscrit le : 09/05/2021■ Mes clubs :
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Peu voltairien, Yukio se voyait habiter, dans les pensées fugaces de sa vie précipitée, de quelques figures sans cohérence fine. Camus au fond du coeur, Spinoza et Laplace bien dans la tête, Gramsci quelque part dans les jambes, et Nietzsche quelque part dans le colon, au bout de l'intestin. Sisyphe ? Ne faut-il point l'imaginer heureux ? Ce n'est pas parce que l'on pousse un rocher en haut d'une colline qu'il nous serait interdit de tourner la tête et profiter de la vue, de la brise du Printemps, de la délectation de ses pensées et, en définitive, de ce en quoi l'on peut bien projeter la valeur que l'on décide. Sisyphe, esclave de l'absurdité de sa tâche, a toujours été libre, car si un sens avait été donné à sa corvée, quelle liberté aurait-il possédée ? La vie est vide de sens, c'est précisément ce qui permet à quiconque de la remplir de ce qu'il considère comme en ayant. Comme tout un chacun, Yukio était Sisyphe, et il n'aimait point son rocher, mais il n'en voulait pas à Zeus de l'avoir condamné, et il savait trouver dans l'inanité de son existence la source d'un amour sincère pour son prochain. Un amour dépassionné, bienveillant, réaliste, compréhensif. Lorsque l'on sait chacun plongé dans la camisole de sa propre futilité, le pardon vient plus naturellement.
L'innocence du professeur, pourtant, n'était jamais feinte. Lui-même porté par le flot de son humanité, il ne transcendait pas sa propre condition, qui restait semblable à celle de ses pairs, et, ce faisant, il commettait, sinon plus, autant de maladresses que ses congénères. Sisyphe était nécessairement Candide, Candide était nécessairement Sisyphe. Car personne ne se départissait jamais de sa condition substantielle, à part Daniel Jackson dans Stargate SG1.
Yukio voyait dans sa collègue autre chose. Moon, elle, avait des incertitudes, et des certitudes. Comme un lémurien sautant dans les palétuviers, elle jouait de ses assurances pour se sauver de ses perplexités, et ne pas se noyer sous la mangrove. Sous ses pieds, l'abîme, les peurs, les anxiétés, semblaient bien insondables. Ce n'était pas que son aplomb soit un camouflage, c'était que, bien que non-feint, il était placé en première ligne, comme pour éviter de laisser entrapercevoir, derrière les boucliers des principes, que les triarii se trouvaient désarmés. Pensait-elle, par moments, que sa vie était ratée ? Avait-elle compris que rien ne se rate, puisque le cap est défini par la timonière ? Laissait-elle ses regrets, ses remords, empoisonner sa vie ? C'eut été dommage, il ne lui manquait sans doute rien, sinon la part d'enfance que la vie, un jour ou l'autre, finit par nous arracher.
Dans sa prévenance, le professeur d'histoire avait réussi, malgré lui, à la surprendre. Dans son étonnement, la dame s'était même excusée, ce qui faisait sourire son interlocuteur amusé. Tout en commençant lui-même à ranger ses affaires, il écouta sa consœur lui passer une pommade pleine de politesse, distillée à partir d'une pointe de gêne qu'elle dissimulait avec soin. Il percevait avec dérision qu'elle ne savait plus vraiment sur quel pied danser, qu'elle se réfugiait dans une certaine neutralité pour cacher son désarroi, et, sans penser à mal, il trouvait égayant de ne rompre aucune confusion, juste pour la perdre. Quand Moon était dans le brouillard, elle avait les légers airs interrogés d'une gentille trentenaire paumée au milieu du salon de l'automobile, visiblement trainée là par les liens d'un concubinage en pleine remise en question, et la bouille ahurie du compagnon envoyé, deux mois plus tard, faire la queue au salon du Livre pour une dédicace du dernier bouquin d'Amélie Nothomb. C'était très attachant, et très drôle à voir, si bien qu'il s'en serait voulu de dissiper les nuages qui bouchaient sa ligne de mire.
Sur un ton toujours affable, constant, pas vraiment séducteur sans pour autant être froid, il lui répondit:
- Charmant ? Vous me flattez avec obligeance. Je n'ai pas votre aménité, et pour vous retourner le compliment, vous m'estomaqueriez si vous m'avouiez que vous l'êtes encore, célibataire.
Il continua de ranger ses affaires, comme si de rien n'était, concentré pour ne pas trahir l'espièglerie de son regard et de son sourire.
- InvitéInvité
Thèse, antithèse, synthèse ?
feat. Yukio
Oh non. Ce n’est pas que par obligation. Moon trouve Yukio charmant, depuis la seconde où elle a posé les yeux sur lui. Et sur son air sévère. Et sur ses drôles de manies. Dans un autre monde, dans un autre temps, elle aurait pu s’enticher du personnage. Mais leurs routes se sont croisées sans vraiment se nouer. C’est certainement mieux ainsi.
Pourtant, elle aime s’imaginer la vie si elle avait choisit de répondre un peu plus vite à la proposition de second rendez-vous, juste avant de rencontrer Ryuji. Et si c’était Yukio qui prenait place dans sa vie, maintenant ?
Ce n’est pas qu’elle est malheureuse, avec Ryuji. C’est que c’est tout feu tout flamme, entre elle et lui. Pas plus tard qu’avant-hier, ils se sont disputés, pour des histoires à la con. Pour un “chérie”, un “chérie” de rien du tout. Une preuve d’amour, qu’elle a refusé. C’est drôle à quel point Moon a du mal à laisser le professeur de design entrer dans sa vie.
Alors, elle répond à Yukio :
Elle se confie, et ça lui fait du bien. Parce qu’elle n’a pas de bons contacts avec ses amies, Moon ne parle que très peu de ses inquiétudes au sujet de son couple, ou de son simili-couple. Elle fait sa vie toute seule, et broie du noir toute seule. Elle aurait besoin, parfois, d’un peu de recul. Elle a bien Mariko, à Tokyo, mais elles discutaient surtout au bar des crises de cœur. Moon ne va pas faire un aller-retour juste pour boire des verres. Pas question.
Elle finira bien elle-même par comprendre où l’amour la porte.
Veste sur les épaules, valisette à la main, elle salue poliment le professeur d’histoire-géographie.
Pourtant, elle aime s’imaginer la vie si elle avait choisit de répondre un peu plus vite à la proposition de second rendez-vous, juste avant de rencontrer Ryuji. Et si c’était Yukio qui prenait place dans sa vie, maintenant ?
Ce n’est pas qu’elle est malheureuse, avec Ryuji. C’est que c’est tout feu tout flamme, entre elle et lui. Pas plus tard qu’avant-hier, ils se sont disputés, pour des histoires à la con. Pour un “chérie”, un “chérie” de rien du tout. Une preuve d’amour, qu’elle a refusé. C’est drôle à quel point Moon a du mal à laisser le professeur de design entrer dans sa vie.
Alors, elle répond à Yukio :
J’aimerai vous répondre, mais je ne sais pas trop quoi dire. Disons que je ne suis ni célibataire, ni en couple. Dans un espace entre les deux, dont je ne suis pas certaine de savoir si j’aime en profiter, ou s’il me dérange.
Elle se confie, et ça lui fait du bien. Parce qu’elle n’a pas de bons contacts avec ses amies, Moon ne parle que très peu de ses inquiétudes au sujet de son couple, ou de son simili-couple. Elle fait sa vie toute seule, et broie du noir toute seule. Elle aurait besoin, parfois, d’un peu de recul. Elle a bien Mariko, à Tokyo, mais elles discutaient surtout au bar des crises de cœur. Moon ne va pas faire un aller-retour juste pour boire des verres. Pas question.
Elle finira bien elle-même par comprendre où l’amour la porte.
Veste sur les épaules, valisette à la main, elle salue poliment le professeur d’histoire-géographie.
Encore merci, pour cette soirée de travail. Nous nous rencontrerons très bientôt pour la suite. Bonne soirée, Monsieur Ogawa.
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- Yukio OgawaPersonnel ; prof d'histoire-géo■ Age : 29■ Messages : 340■ Inscrit le : 09/05/2021■ Mes clubs :
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Le professeur, pétri de politesse lentement infusée dans les flots de ses réflexes, salua sa collègue, la regardant s’éloigner en emportant ses airs mystérieux, ses réponses élusives, et ses répliques tissées d’ombres chinoises. D’un pas feutré qui soulignait sa présence contrastée, comme peinte de clair obscur, elle passa la porte, et ne fut bientôt plus que le bruit résonnant de ses chaussures s’éloignant dans le couloir.
Seul, assis, et perdu dans son esprit, Yukio songea aux paroles nébuleuses de l’enseignante cinéphile, laissant le fil de ses pensées se dérouler dans le flot de ses calmes fulgurances peu inspirées. Après tous ces mois, il ne savait, en définitive, toujours pas dessiner les contours de Moon. Égarées dans les confusions semées par cette femme indiscernable, ses perceptions peinaient à éclairer ses considérations.
Qui était-elle vraiment ? En contemplant la fenêtre assombrie, peuplée des reflets cryptiques du crépuscule, il lui parut, hypothétiquement, que la question qu’il se posait n’était peut-être pas destinée à trouver une quelconque réponse. Après tout, Moon elle-même paraissait parfois être en quête de son identité, et de la définition de ses rêves. Assiégée, pour sûr, par des essaims de questionnements aux contours flous, elle se noyait peut-être elle-même dans les apories de ses aspirations.
Il soupira. Il aimait à se laisser penser qu’il avait, de son côté, laisser derrière lui cette étape là. C’était faux, bien évidemment, mais se persuader du contraire lui était salutaire. Il avait envie de l’aider, un peu, et c’était une envie plus que présomptueuse, car il était certain, passées les apparences, qu’il n’était pas en bien meilleur état qu’elle.
A leur rencontre, il avait ressenti l’envie, intrigante, de l’inviter dans de romantiques échappées. Ce n’était plus le cas. Seul sur sa chaise, il se confondait dans l’idée que ce n’était pas nécessairement ce qui lui était indispensable. La professeure de cinéma avait sans doute plus besoin d’un ami prêt à partager quelques tendances autodestructrices, que d’un perfect boyfriend bien sous tous rapports, et sans doute plus besoin d’un regard sans jugements que d’une œillade passionnée sous les étoiles.
Il eut envie de se lever, de lui courir après, et de lui glisser avec tendresse qu’il était prêt à l’emmener au bout du monde, juste pour le plaisir de s’esclaffer, juste pour ces quelques secondes où les éclats de rire éclipsent tout, même les horreurs du passé. Il voulait lui hurler, avec les yeux innocents du gamin qui se débattait en lui, qu’il se fichait un peu de l’embrasser, elle ou une autre, tant qu’il pouvait faire naître, sur son visage étonné d’ordinaire si sérieux, si grave et affecté, un sourire surpris et immature.
Il ne ressentait plus aucun désir, juste l’envie impérieuse, et illusoire, de lui offrir des moments dérisoires, parce que c’était ce dont elle avait besoin, et parce que c’était ce qui lui aurait donné, à lui, brièvement, le sentiment diffus d’être utile. C’était presque trop simple. Il suffisait de se lever, de passer la porte, puis de trouver quelque excuse à l’organisation d’une sortie amicale.
Il suffisait de se lever, mais c’eut été étrange, et c’eut été cavalier.
Il fixa à nouveau la fenêtre, expira longuement, et il attendit, assis, que le bruit de ses pas ne s’éteigne.
#Terminé
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