[Terminé] Un club à soi | Maya

"A oui, pardon."

Tu n’es toujours pas 100 % fonctionnelle... mais est-ce que tu l’as déjà été ?

"On voit tout ça en cours, mais je préfère le fusain et l’aquarelle. Je ne sais pas vraiment si ce sont mes spécialités, mais c’est un détail."

Tu fais surtout ceci pour ton plaisir, pas pour être la "meilleure" ou quelque chose comme ça. Tu ne penses pas vivre de ton art de toute façon, mais faire des jolies productions pour tes amis est une chose qui t’attire. D’ailleurs, est-ce que tu es assez folle pour faire tout ça sans t’attacher les cheveux ? Oui. C’est ce qui s’appelle avoir la hargne.

Pour le reste... Oui, tu parles de technique avec ton tableau, forcément. Après tout, tu peux "enfin" montrer et expliquer tout ceci, montrer que tu n’es pas qu’une simple fille blonde misandre émotive (ce que tu es principalement, mais comme les ogres, tu as plusieurs couches).

Quand elle te demande pourquoi monsieur Lapin, tu bafouilles un peu. Pas facile d’expliquer que c’est une sorte de porte-bonheur, un talisman, tout ce genre de chose qui est extrêmement important à tes yeux. Enfin, juste la peluche est importante à tes yeux. Tu serais capable de régresser au stade primaire si tu l’égares plus de dix minutes. L’avantage, c’est que tu as toujours ton modèle avec toi, donc c’est bien plus simple de lui faire prendre des poses. Quand à l’origine du tableau... tu lui montres la photo que tu avais prise. Oui, c’est très "gamin" de pose son lapin comme ça au milieu d’un parterre de jolie fleur pour le prendre en photo, mais au moins tu l’assures... bon, tu ne l’assumes pas vraiment, mais voilà !

"Depuis que j’ai six ans, je crois ? Dans ces aux la, j’étais assez petite."

Et tu l’as beaucoup, beaucoup BEAUCOUP réparée, cette peluche. Du monsieur Lapin originel, il ne doit pas rester grand-chose - s’il reste quelque chose. C’est presque si tu n’as pas l’équivalent d’un monsieur Lapin de rechange en pièces détachées. Et réparer l’oreille que tu as énormément mâchonnée sous le stress va te prendre du temps. Ça fait longtemps que ça n’est pas arrivé aussi... violemment.

"Je crois que ce sont des amies qui me l’ont offerte, mais je ne suis pas certaine."

Si c’était tes parents, tu as effacé ça de ta mémoire. À croire que tu fais un réel blocage ou quelque chose comme ça. C’est surement inconscient. Tu n’en sais rien, tu n’es pas psy.

"Mais j’y tiens beaucoup et c’est le plus important."

Au moins tu es en partie consciente du poids de la peluche dans ta vie. Encore une fois, elle est TOUJOURS avec toi. Planquée dans ton sac à main, mais présent tout de même. Un peu comme un liche et son phylactère.

"Vous aussi vous avez des peluches ?"

Un mélange de curiosité et une volonté de vouloir en apprendre plus sur elle. Ouaip, toute cette histoire n’est pas entièrement passée... ce qui est relativement normal.

"Nan ça va. Et je pense que personne ne va tenter à nouveau le coup."

Oui, à nouveau. Ça veut dire que c’est arrivé.

"Au pire si ça arrive je le récupèrerai à ma manière."

Dans la main froide du cadavre du concerné. Ou de la concernée, pour le coup, égalité des sexes sur cette question. Et... ça n’est pas forcément exagéré. Non, tu n’es pas capable de tuer une personne - autant physiquement que psychologiquement parlant - mais il y a des choses qui sont sacrées. Et peu importe la personne, toucher à cesdites choses, c’est dangereux.

"Tristement adulte ? Pourtant, vous êtes seule, non ? Ça veut dire que vous n’avez pas besoin d’écouter quelqu’un pour le décorer."

Non, on sait à quoi tu penses, alors arrête tout de...

"Si vous voulez je peux vous aider à le décorer !"

Trop tard... Au moins tu réalises ce que tu viens de dire.

"Pardon... oubliez."

Arrête de vouloir t’immiscer dans sa vie alors que tu n’y as aucune place. Ça ne sert à rien et ça fatigue tout le monde.

"Nous ça va, on a de la chance on peut un peu décorer notre bout de chambre, tant que ça reste discret."

Ça veut dire, pas de poster du doyen au-dessus de ton lit. Pardon ? Non non, rien du tout. Pas de poster de Monsieur Lapin au-dessus du lit, donc.

Moon a pigé pour le "de nouveau", mais visiblement elle n’a pas fait exprès de te répéter. Pas la peine d’insister, pas la peine d’expliquer ce qui c’est passé à ce moment la, et que tu as surement foutu la trouille de sa vie au gars qui avait osé t’embêter. Ceux qui jouent à Doom peuvent avoir une idée de la musique qui a dû se jouer en arrière-plan quand tu t’es un peu lâchée.

"C’est dommage, c’est pourtant le bon moment pour décorer. Il y a des gars qui ont beaucoup de mauvais gouts."

Mais est ce qu’elle... non, en fait, tu ne veux pas y penser. C’est mieux pour toi. Tout comme tu ne permettrais pas à n’importe qui de vivre dans ton futur appartement, pas vrai ? C’est tout comme. Laisse-la faire sa vie au lieu d’être jalouse pour rien.

"Pas vraiment, juste de quoi dire que c’est moi en quelque sorte."

Tu ne sais pas vraiment comment décrire. Mais quand tu es dans ton appart, la pièce maitresse est bien évidemment monsieur Lapin qui trône fièrement sur une étagère, surveillant la pièce de son divin regard (non tu n’en fais pas du tout trop).

"Je vous inviterai bien, mais je pense que ça serait mal vu."

La proposition est franche cette fois-ci, pas sous couvert de "madame je vous aime, mais je ne le réalise pas". Mais comme tu le dis également, ça n’est pas vraiment possible.

"Mais ne dites pas ça de cette manière."

Tu trouves que c’est bien triste comme prononciation.

"Vous n’êtes pas inintéressante ou n’importe quelle chose négative du genre."

On peut dire qu’on abandonne ton cas ? Que tu fais des aller-retour plus ou moins conscients à propos de ta distance avec Moon ? Que ça va ENCORE finir en larmes ? Tu es irrattrapable et impossible. Et ça n’est qu’une amourette, ça sera quoi quand ce sera "l’amour de ta vie" ? Autant ne pas y penser.

"Non, c’est moi. Je tenterai d’y penser pour la photo."

Si jamais ta colocataire te voit réogarniser ton coin de chambre, elle saura pourquoi. Enfin non, tu ne lui expliqueras pas. À ce qu’il parait, dire quelque chose comme "j’ai une cruche sur un prof, elle m’a refusée, mais je reste accrochée comme un rocher à une moule" ce n’est pas vraiment une bonne idée. Et ça te demande aussi d’être pleinement consciente de ce qui se passe dans ta petite tête.

"J’ai une question."

Oh, tu prends ton courage à deux (petites) mains.

"Ca vous ait déjà arrivé de vous faire rejeter ?"

Le "comme moi" est presque implicite. Presque. Qui sait, peut être qu’elle a des conseils pour mieux supporter la situation ?

Tu hoches la tête à sa phrase. Elle a bien raison de bien s’aimer, et pas uniquement pour les raisons qu’une certaine étudiante gothique blonde lui donne. Espèce d’égocentrique.

Par contre, sa deuxième réponse t’étonne. Vraiment. Tu ne comprends juste... pas. Peut être qu’elle te ment pour te rassurer, mais tu n’as pas la tête à penser à ça. Comment on peut rejeter une personne aussi jolie et sympa ?

"Vraiment ?"

Et elle le confirme.

"Il y a vraiment des gros cons qui ne savent pas ce qu’ils ratent."

A oui, c’est une bonne diversion. De quoi ? Peut-être que c’était de la "faute" de Moon ? Bien sûr que non, vu qu’elle est parfaite, tout ça, tout ça. Bref, les mecs sont des abrutis, merci au revoir !

"Je vois..."

Une question de temps... mais combien de temps. Avec toi, ça risque d’être long, vu la situation...

"Et vous n’avez pas des conseils pour heu... que ça ce passe heu... mieux ?"

Plus tu parles, plus tu bafouilles, plus ta voix est faible. Parce que tu avoues l’évidence même, une chose que tout le monde dans la pièce avait comprit... sauf toi. C’est un peu gênant, c’est sur, mais ça n’est qu’un mauvais moment à passer, comme on dit.

Ouaip, voilà, les hommes sont des abrutis !

"Oui, voilà !"

Ca te rebiffe d’insulter les hommes, pas vrais ? Comme quoi... c’est ridicule... Tu es une fille ridicule, point final.

"En plus je suis certaine que c’était le genre de mec qui voulait seulement abuser de vous."

Dans le sens... oui, bon. Tu dis surtout ça par colère, mais tu es surement plus proche de la réalité que tu le penses... et ça peut être plus blessant que tu le penses également.

"Je ne vois même pas en quoi ça peut être bien de le faire avec eux."

Quoique tu es un peu curieuse à ce sujet. Tu aimerais t’informer un peu plus... et pas qu’avec les femmes, c’est vrai. Mais jamais tu ne l’avoueras.

Par contre, pas de conseil pour les chagrins d’amour, non non non.

"Je verrai alors..."

Ça va, elle a compris que ça va être compliqué pour toi.

"Je vais essayer de ne pas rendre ça trop bizarre pour vous."

Ça se sent d’ici, que tu voudras "compenser" pendant un petit temps. Tenter de te montrer sous ton meilleur jour dans un espoir stupide et futile de vouloir lui plaire. Ça passera, c’est sur, mais quand ?

Il y avait surement de meilleures manières de t’expliquer. De prononcer tes intentions qui sont, au final, relativement pures. Peut-être qu’au final, tu n’auras pas dû être franche. Ou même avant ceci, ne pas avoir compris la raison de tous tes pleurs. Mais tu ne sais pas mentir et tu ne sais pas cacher des choses. Pourtant, tout ceci semblait évident pour toi, que tu parlais de cet... incident. Pas pour elle.

Et sa réponse, bien que logique et évidente, fait mal. Vraiment mal. Le ton, la prononciation, la demande... c’est un tout.

"Justement, je..."  

La panique revient. Tu tentes de te relever, mais c’est pour mieux te rassoir car le monde entier tourne autour de toi.

"C’est pour ne pas..."  

Pour qu’il n’y ait plus de malentendu. Mais impossible de finir cette phrase. L’anxiété augmente de plus belle quand elle mentionne les possibles conséquences de tes actions. Que tu es en train, sans le vouloir, de la descendre. De lui faire du mal. Que c’est de TA faute si il lui arrive quelque chose. Tu as l’horrible impression d’avoir des milliers de paires d’yeux qui te regardent et qui te jugent. Et bien évidemment, tu es jugée coupable.

"Je ne voulais pas..."  

C’est compliqué de parler quand tu trembles autant et que tu hyperventiles un peu. Déranger tes amies (mais ou classe-tu Moon maintenant ?), c’est une chose, mais leur faire du mal, même indirectement, c’est une chose que tu ne te pardonnes pas.

"De toute manière, il n’y a rien..."  

Concentre-toi sur autre chose. Tout va bien. Mens-toi à toi même, tu es une experte en ce domaine.

"Entre nous..."  

Si les mots sont durs à prononcer à cause de la panique, ils font un peu... Du bien ? Comme si ça t’enlève un poids. C’est difficile à expliquer.

"Pas vrai ?"  

Tu forces un sourire. Mettre des limites, faire comprendre à une éventuelle personne extérieure que ça n’est qu’un malentendu... Tu ne sais pas trop le but de l’opération, mais tu sens que c’est nécessaire... même si ça va être douloureux pour toi.

Ton stress et ta panique sont palpables. Tu suintes de stress, et si on pouvait le convertir en énergie, la Terre s’effondrerait dans un trou noir centré sur ta position. Heureusement qu’elle s’est calmée, pas vraie ? Si elle fait semblant de hausser la voix, tu t’effondres, tu fais une crise, tu laves le sol avec tes larmes, tu t’évanouis... pas forcément dans cet ordre d’ailleurs.

Et viens le moment fatidique du "je", du début de sa phrase. La pression est telle que finalement tu n’as pas besoin qu’elle hausse la voix pour tourner un peu de l’œil. Tu écoutes sa phrase d’une manière distante, comme si tu es sur un autre plan d’existence. Mais tu retiens le plus important : "une bonne relation prof-étudiante". Et que c’est "très bien comme ça".

L’univers entier pousse un soupir de soulagement. Du moins c’est ce que tu perçois et ce que tu ressens. Ah, tu pleures à nouveau. De joie, parce que tu n’as pas détruit ta relation avec elle, et de tristesse pour des raisons évidentes.

Elle est par contre obligée de répéter sa question pour te tirer de ta torpeur.

"Pardon... Oui oui, ça me va."

Tu es triste, oui, mais tu es sincère. L’avantage, c’est que tout est délimité. Là par exemple, tu veux l’embrasser, mais ça n’est pas faisable, d’accord ? Ouaip ça va prendre du temps le retour à la "normale".

"Si... si jamais je suis... bizarre... vous me le dites, d’accord ?"

Tu ne sais pas... quelque chose te dit que tu ne dois PAS te faire confiance. Car tu es capable du meilleur, c’est sur... mais surtout du pire. Et même si c’est ton premier "râteau", ça n’excuse pas tout. Si jamais tu te surprends à lui faire du mal, tu pourrais être très efficace pour disparaitre de sa vie.

Besoin d’aide, toi ? Bon, objectivement parlant, oui, tu as besoin d’aide pour gérer cette situation, c’est sur. Ton corps et ton esprit le hurlent, que tu as besoin d’aide. Le problème, c’est qu’elle ne peut pas en fournir... et aussi que tu n’es pas vraiment consciente que tu as besoin de ce genre d’aide.

Par contre tu te renfrognes véritablement à la mention du mot "psychologue".

"Pour quoi faire ?"

Ah oui tu n’aimes vraiment pas les psys, ça s’entend. Pourquoi ? Parce que ça veut dire que tu dois parler de toi, et surtout parler de chose dont tu n’aimes pas parler. Ça te fait sentir vulnérable, bref, ce n’est pas la joie. Et tu ne leur fais pas confiance.

"Je vais très bien et je n’ai pas besoin de ça."

Ce qui est quasi certain, c’est que ça n’est pas vraiment toi qui vas prendre rendez-vous avec l’un des psys du campus. Bon, ça n’est pas comme si on peut le faire à ta place, et ça n’est pas comme si on peut te forcer également. Et en plus ça t’évite l’étiquette "elle est folle", car c’est bien évident que si tu vas voir le psy, tout le monde le sait et te colle cette étiquette. C’est du sarcasme.

"Tous besoin d’un psy ?"

Wow, le mélange de dégout, de doute, de suspicions et de dédain dans cette minuscule phrase est incroyable.

"Oui, enfin ça c’est ce qui est dit."

Nan, mais... bon OK, ce n’est pas la peine de tenter de t’expliquer.

"Je fais largement plus confiance à mes amis pour ça qu’a une psy."

La preuve, Moon en connait beaucoup sur toi, maintenant. Peut-être que tu te confies trop à la première (jolie ?) fille venue avec qui tu t’entends Ian. C’est possible, tu n’en sais rien. C’est tout de même rare que tu "exploses" ainsi.

"J’y réfléchirai, mais je ne promets rien."

Traduction : le conseil a pris une décision, mais comme je trouve cette décision stupide, je décide de l’ignorer. C’est une façon de faire. Mais au moins ça veut dire que tu as un minimum analysé la chose.

Et nan, arrête de te dire que tu peux tout confier à Moon, ça n’est pas son rôle !

Forcément que Moon soit triste que tu refuses en bloc son aide, sa proposition et son idée, mais tu n’es pas vraiment en été de remarquer ceci. Tu es en plein déni, en remise de peine de cœur, une chose à la fois, pas vraie ?

Alors si tu te dis ça, pourquoi tu as un espoir aussi bizarre que crépi avec sa dernière phrase ? Que tu t’imagines que tu vas pouvoir la voir seule en tête à tête quand tu veux ? Que oui, malgré tout ça, elle reste super jolie et gentille ? Tu fais des allez retours en permanence ma belle, ça n’est pas bon ni pour ton cœur, ni pour ton.

"Je..."

Tu t’interromps. Tu quoi, hein ?

"Je verrai."

Et voilà, comme d’habitude tu t’enfermes dans... attends, pardon.

"Je n’aimerai pas vous rendre des visites intempestives qui pourraient vous mettre dans l’embarra."

Ah, tu préfères jouer un personnage alors. Une méthode de fuite que tu utilises parfois. Mais là, c’est plutôt dans le bon sens. Tu ranges tes larmes, tu ne veux pas qu’elle te voie pleurer. ENCORE.

Et pourtant, malgré cet élan de "maturité", tu la regardes comme si tu espères... quelque chose. Tu ne sais pas quoi. Ton amour n’est pas encore entièrement parti, ça doit être pour ça.

"Non non, justement, je ne compte pas vous embêtez comme ça."

La pauvre, t’avoir tout le temps dans les pattes doit être fatigant et usant. Tu es infernale sans vraiment en être consciente et sans le "faire exprès" non plus. Mais c’est un tout, ton caractère, ta jalousie, ta franchise, tes humeurs...

"Encore merci. Vraiment."

Tu souffles un coup. Allez, il faut que tu tiennes encore quelques minutes.

"Je vais y aller. Je vous laisse les livres, si jamais vous voulez encore les lire."

Elle fera ce qu’elle voudra avec. Ça ne t’étonnerait pas qu’elle ne veuille pas y toucher. De ton côté, tu ranges monsieur Lapin et tes autres affaires.

"Passez une bonne fin de journée ! Et on se revoit au musée"

Un faux sourire, une bonne fausse humeur. Ça n’est pas certain du tout que tu seras présente à la sortie du club d’art, finalement. À peine tu fermes la porte derrière toi que retenir les larmes te demande un effort surhumain. Alors tu cours, direction ta chambre. Moon doit surement entendre tes pas rapides alors que tu quittes le couloir. Heureusement qu’il n’y a pas grand monde pour te voir dans cet état.

Une fois bien à l’abri dans ta chambre et dans ton lit, tu peux enfin réellement lâcher les vannes. Pleurer sur ta stupidité, ton premier amour, une sorte de haine et de colère envers ta personne... Tu as BEAUCOUP d’émotions à démêleur. Beaucoup. Ça ne va pas être simple.