Les révisions à la Tanaka

Chouette ! Il a l'air partant pour se faire un bon petit marathon devant un série au choix. On a largement le temps de décider d'ici-là... Et je compte bien faire quelques recherches pour nous satisfaire tous les deux ! S'il y a que moi qui aime la série, ce serait vraiment trop nul.

« Oui, on peut rependre » je réponds en mangeant un dernier mochi.  

On révise à nouveau. Et comme plus tôt, il me pose diverses questions auxquelles j'arrive à répondre la plupart du temps. Et après une trentaine minutes d'intenses révisions, il me demande si je veux continuer. Franchement, à choisir... Ma réponse est vite vu.

« On on peut arrêter là, merci de ton aide ! Je ne sais pas pour toi, mais j'ai la tête qui va exploser »

Je dédramatise en rigolant légèrement.

Dire qu'il endure ça pour moi, il est trop chou comme grand frère ! À cause de moi, il a l'impression de revivre sa troisième année, et j'esquisse un sourire désolée. Faut voir le bon côté des choses, c'est enfin terminé !

Il me propose alors de sortir, plus particulièrement à la baie ou à la plage. Je réfléchis tout en triant mes notes, et en les remettant dans mon sac à dos. Ça pourrait nous faire du bien de prendre l'air, loin du bouillonnement ambiant dû aux prochains examens.  

« Va pour la plage ! Laisse-moi juste le temps de déposer mon sac au dortoir, et je serai prête ! »

Je fourre tout dans mon sac, boîte de mochis comprise, et passe la lanière sur mon épaule. « On se retrouve devant le bâtiment commun ? » J'attends sa réponse avant de retourner au dortoir préparer mon sac... J'y fourre une serviette si on trempe les pieds, et d'autres trucs utiles comme mon portefeuille.

J'enfile même un maillot de bain au cas où.

Et je retrouve mon frère au point donné, déjà pressée de la petite escapade :

« Prêt ? »

Gideon m'ôte les mots de la bouche, alors que j'étais prête à sortir cette phrase culte aussi : « T'es trop rapide, j'allais le dire ! » je rigole légèrement, on pense au même bêtise et ça me fait marrer doucement. Manquerait plus qu'on fasse la danse de la girafe, et le boucle serait bouclée.

Il me propose de prendre le bus, mais je me dis que quitte à attendre une dizaine de minutes, autant les passer à marcher ! Puis, au moins, on pourra discuter tranquillement sans déranger les passagers du bus, vu que c'est mal vu de parler dans les transports en commun.

« Va pour marcher ! »

Le soleil tape fort, mais ça reste vivable. On marche à un bon rythme, et je profite pour lui poser une question qui ne m'était pas venue, pendant la séance de révisions. C'est aussi pour faire la conversion, et avouons-le, je suis plutôt une quiche de ce côté-là.

« C'est quelle matière que tu préfères depuis que t'es à l'université ? »

Mon frère a l'air d'être perdu dans sa réflexion. Alors je le laisse réfléchir sans l'embêter ou le presser, et j'attends patiemment sa réponse. Et, je ne suis vraiment pas déçue de celle-ci.

J'aime beaucoup la chimie aussi, alors j'écoute avec attention ce qu'il dit. Proche de ce qu'on fait en police scientifique ? Ça donne grave envie d'en faire à plus grande échelle. Mais je tique sur sa « situation », et mon regard se tourne vers lui pour lui poser une question...

Mais il enchaîne rapidement en disant que tout est intéressant. S'il n'en parle pas, c'est qu'il n'a pas envie d'en parler, alors je le laisse être mystérieux parfois, puis ça a son charme d'avoir un grand frère intelligent et énigmatique. C'est toujours cool de garder une part d'inexpliqué.

Tout savoir de l'autre, c'est comme avoir un cadeau déjà déballé ; Il n'y a plus aucune surprise, ça reste viable mais ça perd de sa présence. Enfin bref, je réfléchis un peu trop à tout ça. Je brasse de l'air dans ma tête, et j'ai l'impression que ça devient une habitude.

« Si tu continues de dire que tout est intéressant, je vais finir par faire les mêmes études que toi ! »

Je rigole, mais j'y pense sérieusement.

La phrase que je sors innocemment fait rire mon grand frère. Je me gonfle de fierté de réussir à le faire rigoler comme ça ! C'est un peu ma mission de tous les jours de l'amuser.

« Je me vois mal policière si ce n'est pas scientifique... Mais chercheuse déjà... Un peu plus. En zoologie ? J'irai crapahuter sur le terrain pour répertorier les espèces »

Je hausse les épaules, pas si convaincue que ça de ma dernière proposition. Puis Gideon me prend de court en parlant de l'entreprise familiale. Je ne pense pas avoir les épaules assez solide pour ça... Puis faudrait que je commence à travailler là-bas avant d'hériter de l'entreprise.

« Ça pourrait m’intéresser... » après tout, je suis toujours à la page des nouvelles technologies « Mais c'est effrayant à imaginer. Ça me donnerait quoi comme études, mathématiques, informatique et sociologie ? »

Je fronce les sourcils, pas très enclin à prendre ça comme matières.

Prendre des cours à l'extérieur ? Je n'y avais bêtement pas pensé. Je suis tellement ancrée dans KHS que parfois, j'oublie qu'il y a un dehors possible avec d'autres études et d'autres connaissances à la clé, à adapter avec les cours de l'université.

Puis il enchaîne en parlant d'une fille, plus distinctement une camarade de classe, qui a des cours à l'extérieur ; je note son nom dans un coin de ma tête si un jour, je tombe sur la demoiselle. Il me propose aussi de faire des questionnaires pour savoir mon orientation professionnelle. Et déjà ça, ça me parle plus !

« C'est à voir. Dans l'état d'esprit actuel, le milieu pourrait me plaire, mais je me vois mal suivre les traces de notre père » je tords mes doigts en ne sachant pas quoi faire « Les questionnaires pourrait être une bonne base pour savoir où me diriger. Y a tellement de possibilités que ça me donne la tête qui tourne »

Je peux presque tout faire. Mais ce n'est pas parce que je peux, que je dois.

Après tout, lui non plus ne se voit pas prendre les rênes de l'entreprise familiale plus tard. On est un peu dans le même bateau, sauf que lui, c'est où mener la barque, alors que moi, j’écope l'eau comme je peux.

Je l'écoute parler d'un autre « rendez-vous » à fixer pour faire les questionnaires. Je me dis qu'on pourrait toujours ça chez notre père, même si ce dernier pourrait m'ignorer encore plus parce que je ne sais pas quoi faire de ma vie. Puis, mon frère glisse un « pour l'heure » de compétition.

Il s'élance, et moi aussi. Je n'ai pas l'habitude de courir dans le sable, surtout en essayant de me déshabiller tout en même temps. Alors forcément il prend de l'avance, tandis que je déboutonne mon short en jean. Je me dépêtre de mes vêtements, et les jette au même endroits que mes chaussures et mon sac.

Il a déjà atteint l'eau. Je me traîne bien un bonne dizaine de mètres derrière avant d'atteindre le bord de mer à  grands renforts de clapotis plutôt bruyants. Le traître n'a enlevé que ses chaussures, alors que moi, j'ai presque du tout enlever. L'eau jusqu'aux genoux, je reprends mon souffle, haletante :  
« T'es trop rapide, je m'avoue vaincue »

Je lui jette un peu d'eau, juste pour la forme.

On rigole tous les deux, en s’éclaboussant l'un l'autre – ne visant pas le maillot. Il me dit d'attendre, et je fais semblant de vouloir lui en balancer encore - un jeu d'acting trop pourri pour être cru.

Il me propose de refaire une petite course, et on retourne à nos affaires, qui sont un peu plus éparpillées que prévu. Mon maillot a pris la fuite à demi-douzaine de mètres du reste du tas de vêtements. Je pars le récupérer, et le met  avec mes affaires, sous mon sac.

À peine je pose le tout, qu'on s'élance à nouveau. Cette fois-ci, je mets tout ce que j'ai. Mes enjambées se font plus longues, plus rapide. Je cours comme un dératée jusqu'au bord de mer... Et à un mètre près, le touche en première. Je m'arrête les pieds dans l'eau, vidée de mon énergie :

« Avoue... tu m'as... laissée... gagner »

Je reprends difficilement mon souffle.

Le souffle saccadé, je reprends ma respiration comme je peux. Mon frère avoue m'avoir laissée gagner, et je rage un peu intérieurement. Enfin rager est un grand mot, ce serait plus une source de déception considérable.  

« C'est nul ! Je suis déçue maintenant ! J'aurais préféré perdre ! »

Je fais la moue et lui pousse la langue, mais au fond, quand j'étais à l'eau avant lui, j'étais vraiment contente. C'était une grande victoire, il aurait dû garder le secret précieusement, pour mon estime de moi-même. Maintenant, je suis juste triste d'avoir gagné pour de faux.

Mais je ne me laisse pas abattre ; je shoote dans l'eau pour l'éclabousser encore. Je ne lui propose pas de faire la course jusqu'à la bouée, parce que je ne suis pas mitsuki-jet. Je nage relativement bien, tout est dans le relatif. Alors je hoche la tête à mon grand-frère.

« Va pour des longueurs ! Après, on se mangera une glace si la faim nous creuse l'estomac »

J'avance dans l'eau avant de piquer une tête.

Heureusement qu'il n'est pas menteur ! Attendez, peut-être qu'il a dit m'avoir laissé gagner pour garder la face... Non non, ça me semble être hors caractère. Je m'imagine n'importe quoi pour mon propre bien.

« Oui, go ! »

Je plonge dans la tête la première, et la tiédeur de l'eau me fait un bien fou. Barbotant un peu sur le début, avant de continuer sur la brasse jusqu'à la bouée, je suis en retard sur mon frère mais c'est surtout parce que je profite au plus de la fraîcheur de la mer.

Je m'ébroue en sortant de l'eau, et marche dans le sable chaud, y laissant mes empreintes de pas au passage. Après avoir rejoint mon frère, une serviette est sortie de mon sac et posée à même le sol. On profite un peu du soleil, et je me laisse tomber vers l'arrière, la tête sur mon sac.

« Des crêpes glacées ? Ça fait super longtemps que j'en ai pas mangé »

Je bave rien que d'y penser.

Étendue sur la serviette,  je me prélasse sous le soleil. Il tape fort, alors d'un mouvement paresseux, je sors ma crème solaire, et commence à me l'étaler un peu partout en prenant mon temps. Manquerait plus que je me transforme en écrevisse.

« C'est de la pure gourmandise »

Sous son regard appuyé, j'ai l'impression d'être jugée. C'est vrai qu'on a déjà mangé pas mal de mochis. Maiiiiiiiiis... L'appel de la crêpe est trop fort. Elles dansent dans mon esprit, montrant tour à tour leur atours comme des filles de cabaret .

« Chocolat banane avec plein de chantilly et un nappage au nutella avec des amandes effilées... Pas de brownies, ça serait vraiment trop »

Tout ce sucre, ça me fait lécher les babines.

À peine ai-je fini de m'étaler de la crème solaire, qu'il me demande ce que je veux comme crêpe glacée. Je la décris du mieux que je peux, en me rappelant les différents parfums qu'il y a au stand, avec un poil de bave sur le coin des lèvres.

« Dieu le veut ? »

Je rigole tout en le regardant fouiller dans son sac et en sortir son portefeuille. Ça me dérange pas que mon frère m'invite, après tout, notre argent de poche vient plus ou moins de la même personne, alors ça revenait au même que si je payais. Ce serait une autre histoire avec quelqu'un d'autre.

Je lui obéis tranquillement quand il me dit d'attendre, et je me rallonge sous le soleil de plomb. Il lui faut bien une demi-douzaine de minutes avant de revenir, et je me redresse à son retour. J'attrape la crêpe glacée qu'il me tend, et le remercie. Je goûte avec la petite cuillère et...

« C'est tellement bon, merci. »

Je n'en rajoute pas une couche en me prélassant de nouveau, et la mange doucement assise. J'attaque les quelques morceaux de bananes recouverts d'un peu de Nutella, et les savoure en silence. Une pensée fugace me travers l'esprit, quelque chose dont je ne lui ai pas parlé.

« J'ai prévu de faire un peu de dog-sitting pendant les vacances »

Je fredonne de plaisir en dégustant la crêpe.

Gideon a l'air tout surpris de mon annonce. C'est une idée qui me trotte dans la tête depuis longtemps, alors je pense que c'est le bon moment pour se lancer. Je ne suis pas encore sûre des démarches à faire, mais je verrais en temps voulu.

« Les chiens ! De personnes âgées de préférence »

J'attrape un bout de banane, et le croque.

« Je pense poster une annonce dans le journal »

Après tout, pour toucher un public âgé, le journal me semble être une bonne idée. Après, je peux demander au konbini l'autorisation d'accrocher mon annonce, ou encore la placarder sur le panneau d'affichage du campus. Il doit bien avoir des élèves avec de la famille âgée dans le coin.

Je suis vraiment pressée d'y être, d'avoir mes premières demandes, rencontrer les chiens – malheureusement leur propriétaires aussi, et les promener dans des jolis parcs avec plein de coin d'ombres où s'agaillardir.

« Non, pas encore »

Je joue avec ma boule glacée au chocolat avant de la lécher.

« Ce qui m'embête avec les gens du campus, c'est que c'est que des jeunes »

Je fais un peu la moue en piochant un nouveau morceau de bananes. Ce n'est pas du tout dans mes plans d'aider des gens qui ne sont pas capables de prendre leurs responsabilités en main. Alors que les personnes âgées n'ont pu forcément la capacité de s'en occuper. Et c'est triste d'imaginer tous les chiens qui moisissent à l'intérieur.

« C'est pour rendre service à la communauté. Je le ferai gratuitement »

Toutous > Argent.

Un peu concentrée sur ce que dit mon frère, j'arrête momentanément de manger ma glace pour le regarder me parler de karma, et son acte charitable de planter des arbres avec Mitsuki. Donc ça pourrait faire joli sur le dossier scolaire de faire du bénévolat ?

« C'est chouette ce que vous avez fait ! C'est beaucoup plus important que de promener des chiens »

Étrangement, je ne pense pas que « promener des chiens bénévolement » soit un plus sur mon dossier. Même si c'est pour rendre service à la communauté, c'est surtout celle des toutous qui m'importent et indirectement celle des personnes âgées.

« Dis... »

Je regarde ma crêpe glacée, pensive.

« Tu crois que notre père accepterait que j'adopte un chien ? Momo est contre »

Je n'y crois pas une seconde, mais qui sait ?