Les révisions à la Tanaka

En ce samedi 15 Juillet, je pète la forme ! On va réviser avec Gideon sur les matières où je suis une bille, alors même si ce n'est pas une sinécure, je suis contente de faire ça avec lui.

Je suis au taquet pour trouver sa bouille parmi les étudiants, et je le repère en deux deux ! Ça, c'est le sang Tanaka, ça me donne un super pouvoir pour le trouver n'importe où. Je m’approche à grand pas, et je ne vois pas le câble d'ordinateur par terre.

En une seconde, le monde bascule.

Je tombe en avant tel un renard chassant dans la neige.

« Argh... J'ai pris le sol en pleine poire »

Le PC entraîné par le câble me tombe dessus et mon plat du dos fait une magnifique interception. Le propriétaire se retient de me hurler dessus alors que je me relève pour reposer l'ordinateur sur la table. Il s'insurge en me disant qu'il y a des pixels morts sur son écran désormais, la prise est lâche et que le clavier a des touches cassées.

Je suis dubitative. Les touches qui manquent ne sont nulle part autour de moi. Et je me dis qu'il y a de grande chance que le PC était déjà dans cet état avant mon intervention.

« T'as intérêt à me rembourser ! »

Je panique un peu ne sachant pas quoi faire ni quoi dire. Je n'ose pas lui dire qu'il ment, et en même temps, ce serait injuste que je le rembourse.

Quelle invention de sa part ! Me faire porter le chapeau alors que je suis une âme innocente. Heureusement, mon frère - ce héros – vient à ma rescousse.

 «Non, ça va. Juste un peu mal au nez. »

Je me le frotte alors que Gideon remet le type à sa place. Il a l'air grave intimidé et marmonne quelque chose d'incompréhensible. Je ne dirais pas que je jubile mais je suis heureuse d'avoir un frangin aussi charismatique ! Je remarque quelque chose alors je lui dis doucement, même s'il doit nous haïr en ce moment même.

 «Attention à l'alimentation, le fil à l'air un peu dénudé »

Manquerait plus qu'un court circuit et paf, plus d'ordinateur. Le type grommelle encore dans son coin, et je comprends juste un « de votre faute » avant qu'il commence à ramasser ses affaires pour s'en aller. J'ai un peu de la peine pour lui. C'est devenu si important les ordinateurs de nos jours, alors en avoir un en très mauvais état, ce n'est vraiment pas chouette.

«On peut retourner à ta table ! »

On avance donc vers celle-ci et je repère direct les mochis ! «Oh ! On a pensé pareil ». J'ai un petit rire alors que je sors les miens de mon sac et les pose sur la table. Ceux-là sont un assortiment à différents goûts.

Je prends place à la table et commence à sortir mes notes.

«Tu préfères commencer par quoi ? La musique ou les arts plastique ? »

L'un comme l'autre, c'est du vomi de chien enragé.

Je laisse échapper un petit « Héhé » satisfait à sa remarque sur les grands esprits. On est fait du même bois lui et moi, et on le découvre toujours un peu plus chaque jour.

 « Comme je veux ? Mh... J'ai aucune affinité avec les deux »

Je sors une petite pièce de ma poche.

« Pile musique, Face arts plastiques ! »

D'un coup de pouce, la pièce se mit à virevolter puis tombe sur... «Face ! »

Hé la galère. Enfin, dans les deux cas, j'aurais râlé. Alors prenons le taureau par les cornes ! Je sors mes notes sur la matière et feuillette un peu ce que j'ai sous la main.

«Alors... On a vu la mise en scène de l'image, la réalisation d'une œuvre monumentale et le champ de questionnements plasticiens cette année »

J'espère qu'on a eu le même programme sinon je jette mes notes au ciel pour Lui montrer ce que j'en pense des arts plastiques.

Vaguement ? C'est loin d'être encourageant comme commentaire. Je ne peux pas m'empêcher de sourire en me disant qu'il endure des tortures passées pour m'aider. Il est vraiment adorable comme grand-frère.

J'attends patiemment qu'il allume son ordinateur pour savoir si oui ou non, on va devoir s'arracher les cheveux en face d'un nouveau programme. Heureusement, mon cuir chevelu me remercie alors que Gideon m'annonce qu'il a étudié la même chose.

Quant à sa remarque sur la pratique, j'hésite. Mais c'est trop tentant.

« Non c'est presque que de la pratique »

J'attends quelques secondes – genre une dizaine, ou peut-être un peu plus avant de craquer dans un petit éclat de rire jouasse.

« Normalement, c'est que de la théorie. T'avais eu de la pratique à tes examens ? »

Je ne suis pas si sûre de ce que j'avance mais le bon dieu sait à quel point je le prie pour que ce soit le cas. Je lui fais même l'offrande d'un mochi au sésame tout droit dans mon estomac.

Bien sûr que oui, ça fonctionne comme offrande.

Oh non. Ma blague n'a pas eu l'effet escompté ; il a soupiré ! Je suis nulle nulle nulle nulle archi nulle. Même son petit sourire ne me rassure pas du tout. J'ai envie de me camoufler dans mes bras mais je ne fais rien, je dois rester digne malgré le bide de ma blague !

Il me montre son PC et les notes qu'il a prises. À vrai dire, je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée de prendre ses notes. Ça ferait doublon avec les miennes et je risquerai d'avoir le double à réviser, non ? Non. Il a l'air d'être plus ordonné que moi dans la prise de note alors peut-être que ce serait tout de même une bonne idée de les récupérer.

« Oui, tu peux me les envoyer, merci ! »

Maintenant, je ne sais pas trop quelle marche à suivre.

« Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? Je me vois mal faire une analyse d'une œuvre et te la rendre. Peut-être que des questions de culture générale sur l'art plastique serait plus judicieux. Tu en penses quoi ? »

Je hoche négativement la tête à sa remarque sur le fait de ne pas être un bon prof. Il ne doit pas se rabaisser de cette manière alors qu'il est doué pour plein de choses différentes !

« Mais nooon ! Je suis sûre qu'en Physique-chimie ou même en informatique, t'aurais un tas de trucs à m'apprendre ! On a juste pas les bonnes matières en main. Ça devrait être des cours facultatifs t'façon... »

J'aimerais vivre dans un pays où la musique et les arts plastique ne sont pas obligatoires au programme. Heureusement, je n'ai plus que huit mois à les supporter et après, ce sera niet ! Même si je ne sais pas encore en quoi me diriger...

Je donne mes notes quand il me les demande, et je fais de mon mieux pour rester à flots. Les questions ne sont pas si simples, surtout qu'il me tend des pièges de temps à autre... Mais je survis à l'épreuve et je pousse un soupir de contentement quand il m'annonce la pause.

À sa question, je gesticule sur ma chaise. Franchement ? C'est pas trop l'éclate... Je m'y sens pas à ma place, et si Mitsuki n'était pas là, je n'aurais sûrement personne à qui parler. Y a Pablo aussi... Mais Pablo, c'est Pablo.

« Sincèrement ? J'aimerais déjà être à l'université. Je trouve la plupart des cours ennuyants et j'ai du mal à me faire une place dans ma classe. Alors qu'à l'uni, je serais plus libre, avec des horaires plus légers, et je verrais plein de tête différentes. Désolée, c'est pas très glorieux comme réponse mais j'ai pas envie de te mentir... Et toi, ça se passe bien à l'université ? »

Après m'être confiée à lui, je l'écoute me rassurer sur le temps à venir ; huit mois à tenir. Huit petits mois où tout peut arriver. Je pourrais très bien nouer de nouvelles amitiés ou plus si affinités qui me feront passer le temps plus vite ou me découvrir de nouveaux passe-temps. Je ne peux pas me reposer sur Gideon, Sumire ou Mitsuki qui ont leurs propres activités. Faut vraiment que je fasse des efforts : FIGHT !

Armée d'une nouvelle détermination, je hoche la tête à ses remarques sur les nouvelles exigences et le l'emploi du temps.

« Oui, bien sûr ! Faut savoir gérer son temps avec l'indépendance qu'on a pas au lycée et pas procrastiner à côté. Puis, si on prend que des matières que l'on aime, ça doit pas mal jouer dans la balance ! »

Je sais déjà que j'aurais moins de cours que lui. Je prendrai sûrement qu'une seule matière, peut-être deux à tout péter.

« Tu as raison, j'ai tendance à ruminer parce que Hina et Tsumugi ne sont pas là. Je reste bloquée sur l'idée que si elles étaient ici avec moi, tout serait beaucoup plus simple. Mais comme ce n'est pas le cas, je dois faire avec et trouver ma place à mon propre rythme »

J'attrape un mochi aux cacahuètes et avant de le mordre, je m'arrête, pensive.

« Il y a des choses que tu regrettes du lycée depuis que t'es à l'université ? »

Je croque mon mochi et je laisse échapper un « Mhhh » de plaisir en le savourant.

Toute ouïe, je l'écoute parler de l'époque du lycée qui n'était plus. C'est vrai, ce ne serait plus maintenant que je pourrais faire semblant de lui tomber dessus par hasard, en sortant des cours.

Je reste pensive ; L'université est-elle vraiment mieux que le lycée ? Je n'aurais plus Mitsuki en cours avec moi, donc plus de point d'ancrage si je n'arrive pas à m'intégrer. Ne plus avoir qu'une seule classe, mais plusieurs, veut aussi dire que je vais devoir affronter beaucoup d'inconnus.

Et comment ce sera, après les études ? Est-ce que mes amis le resteront ? Combien vont changer de ville, voire de pays quand ils prendront leur indépendance ?

« Je t'ai jamais demandé... Tu vas pratiquer où quand tu seras diplômé ? Ici ou au pays de Galles ou même ailleurs ? »

C'est étonnant de ne pas savoir venant de lui. Il est du genre à tout planifier à l'avance, alors être dans le flou pour le grand saut, ça a quelque chose de peu rassurant. Mais après tout, trois ans et demi, ça donne un sacré nombre d'inconnues à appréhender.

Je fais la moue quand il émet l'idée de fail ses examens. « Comme si tu allais rater ! » Puis, dans l'extrême hypothèse qu'il échoue, il pourra toujours recommencer, non ? Ça le condamne pas à reprendre l'entreprise de notre père.

« Je ne sais pas trop. Je ne sais même pas ce que je veux faire plus tard...  Mais je pense que ce serait soit ici ou soit à Nagoya »

J'ai un peu honte d'être pressée d'aller à l'université alors que je ne sais même quoi faire de mon avenir. Enfin si, j'ai une idée de ce que je voudrais faire plus tard : Être fleuriste - ça personne ne le sait ... Mais je ne pourrais pas étudier ici.

Aux dires de Gideon qui emploie un ton froissé, je passe par toutes les couleurs ; La culpabilité de ne pas y avoir pensé, la honte de lui avoir dit ça comme si de rien n'était et la gêne de ne pas savoir quoi répondre. Mais ça me fait immensément plaisir de l'entendre dire petite sœur en parlant de moi.

« Ah... Je... Vraiment... Comment ? » Je tire sur les manches de mon maillot, les joues rouges « Kobe... C'est bien Kobe... Mais Nagoya aussi »

Mes meilleures amies vivent là-bas ; cette ville ne peut que me manquer. Mais j'ai ma vie ici aussi. Avec Momo. Avec Gideon... Avec tout le monde.

« Ici... C'est bien »

Il me pat la tête avant de m’ébouriffer les cheveux – je ferme les yeux, ravie ; je me sens de suite mieux et moins stressée. C'était donc juste pour m'embêter. Dire que j'ai sauté à pieds joints dans son histoire, y a de quoi se sentir ridicule.  

« Vilain grand frère » Je lui pousse la langue pour bien montrer que MOI je plaisante « Ce n'est pas bien me taquiner comme ça !  »

Gideon enchaîne en disant me soutenir quel que soit mon choix, à condition que je ne m'aventure pas trop loin.

« Merci... D'accord promis » Je relève les yeux et croise son regard pour donner plus d'impact à ce que je vais dire « Mais ça vaut pour toi aussi ! »

Je serais tellement triste qu'il s'en aille au pays de Galles. Ce n'est pas à deux heures en train comme avec Nagoya. Là, c'est à l'autre bout du monde... Et ça me fait un peu peur.

Je m'attriste quand il dit ne rien pouvoir promettre. J'aime notre relation, j'ai envie de la voir s'épanouir et ne pas la déraciner par la distance ; si ça arrive, je prendrai l'avion tous les mois pour maintenir un semblant de présence ou je l'embêterai au téléphone malgré le décalage horaire, quitte à mettre des réveils exprès pour être à la bonne heure.    

Je ne laisserai pas ce qu'il y a entre nous s'éteindre. Pas après avoir aussi longtemps attendu, m'être battue pour avoir l'infime chance de partager sa vie avec la mienne. Je sursaute presque quand je l'entends parler de la musique, trop plongée dans mes pensées

« Oui bien sûr » Je range mes fiches d'arts plastique et sors celle de musique « Dimitri Chos... Oulah... Chosta-takovitch : Quatuor à cordes n° 8 ;  » Je cite le premier que j'ai en main.

Normalement, ce n'est que de la théorie comme des travaux d'analyse auditive ou même portant sur la sociologie et l'économie de la musique.

Il plaisante sur les compositeurs russes et ça m'arrache un sourire. Quelle idée d'avoir des noms aussi compliqués à prononcer... Je regarde mes fiches, les feuillette, à la recherche de quelque chose de plus simple à dire :

« Clément Cogui-gi ? Cogitore ? Tiens, un compositeur français ! »

Faire des cours de rattrapage ? Quelle horreur. Puis Momo serait déçue, et je ne pourrais passer de temps avec mes meilleures amies... Ce serait le pire de ce qui pourrait arriver. Il enchaîne en me demandant ce que je compte faire pendant les vacances :

« On ne s'est pas encore mis d'accord sur les dates, mais je dois voir Hina et Tsumugi au mois d'Août. Puis je passerai un peu temps avec Momo aussi. Et toi, tu vas les passer avec Sumire ? »

Ma proposition lui fait rouler des yeux ; ça m'arrache un sourire. Il n'a pas l'air du tout d'être dans le mood pour réviser. Après tout, je le comprends : si à l'université, on me demandait de réviser de la musique alors que je ne l'ai plus comme matière, ça me ferait un peu tirer la tronche. Donc c'est un peu une torture ce que je lui assène...

J'ai tapé juste ; Gideon et Sumire vont ensemble au pays de Galles... Je ne peux m'empêcher d'être un peu jalouse, mais sans aucune animosité envers Sumire. Elle est trop chou pour ça ! Mais j'aimerai bien rencontrer la maman de mon frère un jour ou l'autre.

« C'est chouette ça ! Profitez bien » Je lui souris avant de répondre, perplexe : « Ça n'embêtera pas notre père si je viens dormir à la maison ? »

Après tout, je n'ai pas envie de déranger. Puis, si c'est pour que mon père fasse la tronche que je sois là-bas, ça va me mettre mal... De mauvais humeur ou gênée, je ne sais pas trop. Sûrement les deux à la fois. Mais comme il a décidé d'ignorer mon existence, ça peut être une bonne chose de l'affronter.

« Ce serait juste nous deux ? »

Avec ou sans mon père ? Est-ce que je dois affronter la triste réalité ou l'éviter honteusement en fermant les yeux ? Je ne me laisserai pas démonter aussi facilement ! Même si ça l'enquiquine, ce n'est pas mon problème, c'est le sien !

« Avec notre père, ça me dérange pas. Puis, s'il est pas là tant mieux. S'il est là, on fera avec... »

Je réfléchis déjà à ce qu'on pourrait faire là-bas. J'ai bien des séries à rattraper que je n'ai pas eu le temps de voir avec les examens, ou tout simplement la vie au pensionnat. Alors je lui propose, toute joyeuse, et déjà pressée d'y être :

« On se fera un marathon devant une série ? »